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Page:Alanic - Les Roses refleurissent.pdf/90

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leux que de se contempler eux-mêmes. Et la vision magique n’eût pas, sans doute, détourné leurs regards confondus…

De timides hululements de chouettes au lointain. Puis, d’un bouquet de chênes, une voix sonore et chaude tomba, versant sur la nature en repos un chant éperdu, action de grâces du printemps, hymne de l’éternel amour.

— Le rossignol ! murmura Jonchère. Arrêtons-nous ici !

Le bateau s’immobilisa, pendant qu’ils écoutaient avec une attention fervente. Renaud, dans un recueillement presque religieux, considérait la blanche figure de femme, posée devant lui. Pâle sous la clarté lunaire, nimbée, comme une image mystique, de lumière irréelle, la jeune fille concentrait, aux yeux de celui qui la regardait, tout l’idéal de l’heure. À l’idée qu’il avait conquis ce cœur vierge, loyal et fort, il se sentait près de crier son enthousiasme, sa gratitude et son orgueil.

Un souffle lent palpita dans les branches, leur apportant une odeur de chèvrefeuille et de fraises, mêlée aux senteurs de la menthe et du serpolet.

Renaud cherchait toujours les yeux d’Estelle. Mais au fond des orbites noyés d’ombre, il aperçut tant de tristesse et d’angoisse, qu’une faiblesse l’accabla lui-même.