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Page:Alberti- De la statue et de la peinture, 1868.djvu/161

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DE LA PEINTURE

et modérée par de la dignité et de la grâce. Je blâme vraiment ces peintres qui, voulant paraître féconds dans leurs œuvres et n’y pas laisser de place vide, au mépris de toutes les lois de la composition, y disséminent les objets d’une manière confuse et déréglée ; d’où il advient que le sujet ne semble plus être une action, mais bien un tumulte. Il se peut même que celui qui, avant tout, recherchera la dignité devra rechercher extrêmement la sobriété ; car, de même que chez un prince la sobriété des paroles ajoute à leur majesté, pourvu toutefois qu’on en comprenne le sens, de même aussi, dans un sujet, un nombre mesuré de corps répand de la dignité.

La variété donne de la grâce. Je redoute la pauvreté dans une composition, mais je craindrais bien plus une abondance qui ne s’accorderait pas avec la dignité. Aussi approuvé-je singulièrement ce qu’observent les poètes, tant tragiques que comiques, alors qu’ils représentent leurs fables avec le moins grand nombre possible de personnages. À mon sens, il n’est sujet si compliqué qui ne se puisse rendre avec neuf ou dix personnages. C’est ainsi que je prise l’opinion de Varron qui, dans un banquet, tenant à éviter le tumulte, n’admettait pas plus de neuf convives. Mais comme la variété aura toujours un grand charme, la peinture où il y aura des attitudes et des positions de corps très-différentes plaira particulièrement. Il faut donc qu’il y ait des personnages vus de face, les mains levées, les doigts en mouvement, portant sur un pied ; d’autres la face en sens inverse, les bras pendants,