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Page:Alberti- De la statue et de la peinture, 1868.djvu/31

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PROLOGUE.

mettre la philosophie en réquisition et tirer l’antinomie de son écrin pour élucider des questions d’art ; mais vouloir absolument avoir raison de tout art à l’aide de la mathématique, c’est substituer un moyen mécanique à l’inspiration et le croire suffisant. Rendons justice aux écrivains éminents qui consacrent leur talent à traiter l’esthétique des arts, et, s’ils ont eu le courage de se faire une éducation spéciale bien assise, payons-leur un juste tribut de gratitude et d’admiration. Félicitons-nous surtout si nous avons touché la fibre sensible d’hommes délicats et évidemment supérieurs au public ; mais s’il arrive que nos efforts n’obtiennent pas toujours leur appui, s’ils méconnaissent quelquefois le but que nous avons atteint, consolons-nous-en par notre propre conscience d’artiste. L’art nous donne des jouissances intimes dont les délicatesses ne sont perçues que par les initiés. Ceux-ci sont comme cet Aspendius, en son temps grand joueur d’engins musicaux, qui, alors qu’il en sonnait à la multitude, s’accompagnait et une si basse et si sourde mélodie qu’elle n’était entendue que de lui seul.

Quant aux détracteurs monomanes, il faut s’en rire. Detractor diabolum portat in lingua, dit saint Bernard. Le détracteur a le diable sur la