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Page:Alexandri - Ballades et Chants populaires de la Roumanie, 1855.djvu/126

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descend dans la vallée à l’endroit où elle se rétrécit, là-bas où passent les Mokans 46 qui transportent du sel.

Posté au milieu du chemin, il rencontre bientôt un jeune Mokan et lui parle ainsi :

« Bon voyage à toi, le Mokan.

— À toi merci, Codréan, mon frère.

— Ohé ! le Mokan ! ohé ! le montagnard ! ne veux-tu point échanger ton alezan contre le manteau qui couvre mes épaules ? Je te donnerai en sus un grand chariot tout chargé de sel et attelé de huit bœufs afin que tu retournes riche dans ton pays.

— Mon alezan n’est pas à vendre et je ne veux pas l’échanger, car sa mère vaut à elle seule la riche vallée de l’Oltou 47, et avec le prix de mon alezan je pourrais acheter la ville de Moviléou tout entière.

— Hélas ! mon petit Mokan chéri, un désir indomptable s’est emparé de moi ; fais selon mon désir… Dieu est grand ! laisse-moi essayer ton alezan pour voir s’il a la rapidité du faucon, et si son allure me convient, je promets de te donner jusqu’à mon âme. »

Le jeune Mokan consent et Codréan s’élance. Il frappe l’alezan de sa baguette, et le noble coursier fuit d’une telle vitesse qu’il semble que la vallée se liquéfie 48. Il fuit en hennissant ; le brigand s’en va en riant, et le pauvre Mokan reste seul en versant des larmes.

« Holà hé ! Codréan ! infâme brigand (j’aurais dû le deviner à l’épaisseur de tes sourcils), reviens du moins pour me donner les huit bœufs que tu m’as promis, et ton manteau, et un peu d’argent pour subvenir à mes besoins.

— Fais plutôt le signe de la croix, misérable Mokan, et console-toi avec la pensée que tu as traité le fameux