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Page:Alexandri - Ballades et Chants populaires de la Roumanie, 1855.djvu/144

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harem excite son cheval, et, dépassant tous les concurrents l’un après l’autre, il se place en tête de la colonne mobile.

Malheur à la fille du khan des Tatares ! malheur à la nièce du sultan !

Cependant voici accourir le pauvre Serbe sur son mourgo du Boudjiak ; il arrive, atteint le nègre et le laisse loin derrière lui ; mais le nègre rusé lui adresse de loin la parole :


« Arrête, enfant aux yeux de flamme ; ton mourgo a perdu tous ses fers et tes jours sont en danger. »


Le pauvre Serbe descend de son cheval pour examiner les fers de ses sabots ; le nègre avait menti ! pas un seul clou n’en était tombé !

Voyant cela, il remonte rapidement sur le coursier impatient et le frappe de son fouet d’airain. Le mourgo s’élance en faisant des bonds de sept toises, et atteint de nouveau le nègre ; les voici étrier contre étrier, pommeau contre pommeau, bride contre bride.

À peine l’a-t-il atteint, que le pauvre Serbe frappe le nègre de sa main puissante ; le front de l’eunuque se brise contre le pommeau de sa selle, et le misérable tombe et reste étendu dans la poussière avec sa face noire et ses lèvres gonflées, pareil à un tronc d’arbre noirci par les flammes.

Le pauvre Serbe continue sa course de toute la vitesse de son beau cheval ; il enlève la bague et rebrousse chemin pour la porter au Sultan.

À cette vue, la fille du khan de Tatares, qui, armée d’une longue-vue, a contemplé le combat à travers le grillage de sa fenêtre, se réjouit au fond de son âme ;