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Page:Alexis - La Fin de Lucie Pellegrin, etc, 1880.djvu/114

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L’INFORTUNE DE MONSIEUR FRAQUE

teur, qui revenait de voir un malade rural, conduisait lui-même, en lisant son Figaro. Il tirait déjà la bride pour s’arrêter au milieu de la route et causer quelques instants avec son client. Mais, dans sa préoccupation, M. Fraque laboura de l’éperon le ventre de Jenny et passa au trot, devant son médecin, sans le voir.

Au bas de la descente, une fois sur le viaduc à deux arches qui laisse passer la petite rivière, un dissentiment subit s’éleva entre miss Jenny et son maître. M. Fraque, voulant prendre le chemin de halage, tirait en vain les rênes du côté du moulin ; la vieille entêtée ne pouvait se résoudre à quitter la route de Marseille, qui était aussi celle de Villa-Poorcels. Le cavalier se mit dans une violente colère à coups d’éperons et de cravache. La monture tournait sur elle-même, hennissant de douleur. À la fin, mais à contre-cœur, et traînant la jambe, miss Jenny tourna à gauche, descendit devant le moulin où des hommes chargeaient une charrette de sacs de farine, et s’engagea dans le chemin de halage.

Le pont et le moulin laissés en arrière s’effacèrent lentement derrière les arbres. La grande descente de la route de Marseille ne fut bientôt plus qu’un bout de ruban blanc pendant à l’horizon. Le chemin de halage côtoyait la berge, où finissaient des prairies inclinées vers la rivière. C’était moins un chemin qu’un sentier gazonné, où les sabots de Jenny disparaissaient parfois dans l’herbe. Au-dessous, dans un