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Page:Alexis - La Fin de Lucie Pellegrin, etc, 1880.djvu/127

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L’INFORTUNE DE MONSIEUR FRAQUE

revoir leur passé, erraient dans la seconde cour ; et l’on en voyait, florissants de graisse et de prospérité, le ventre rebondi, rêver longtemps, le nez en l’air, devant le trapèze et les parallèles ; tandis que d’autres, penchés sur le rebord du bassin où ils avaient appris à nager, touchaient le fond du bout de leur canne, retiraient des feuilles mortes. Mais, tout à son idée fixe, M. Menu ne quittait pas des yeux le rang des fauteuils rouges.

Il n’en restait que deux ou trois de vides. Mgr Matheron, l’abbé de la Mole, le procureur impérial qui avait succédé à M. Fraque, le docteur Boisvert, des magistrats de la Cour, des officiers supérieurs de la garnison étaient déjà placés. Tout à coup, chacun se leva. La musique de la ville saluait d’un pas redoublé l’arrivée sur l’estrade des professeurs en toque et en robe, du maire, avec son écharpe et son épée, président de la solennité. Quand on se fut rassis, M. Menu vit avec effroi, aux dernières places réservées, des dames qui n’avaient plus trouvé de chaises. Le discours d’usage, lu avec une grande volubilité par un gros professeur d’histoire qui zézayait, lui causa d’interminables angoisses. À chacun de ces feuillets qu’une main hâtive retournait à chaque instant, il lui semblait voir s’amincir et se réduire à néant l’espérance, guettée de si loin, si méticuleusement préparée. Quand le Principal se fut levé à son tour et eut commencé d’une voix vibrante : « Jeunes élèves, » le pasteur protestant ôta son chapeau et s’épongea le