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Page:Alexis - La Fin de Lucie Pellegrin, etc, 1880.djvu/175

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LES FEMMES DU PÈRE LEFÈVRE.

— Des bocks, père Brun, des rebocks…

— Anatole a mangé l’argent de son inscription.

— Plus que onze jours pour culotter mon quatrième…

— Quelle ville ! on s’y embête ! Pas de distractions !

— Le théâtre plus détestable encore que l’année dernière… Rien que le drame !… Ah ! si la ville avait voulu donner une subvention…

— Sans la musique militaire jouant le jeudi et le dimanche, que deviendrait-on ?

Mais, par dessus tout, on parlait femmes.

Ah ! oui, les femmes, n’est-ce pas ?… les femmes… ! Tous voulaient dire leur mot sur les femmes, s’efforçant d’accaparer l’attention, élevant la voix, se haussant sur leurs ergots, avec des secouements de tête de jeunes cops, se criant l’un à l’autre leurs exploits. C’était surtout ce vieux coq étonnant de Lefèvre qui en savait long sur les femmes d’Afrique : Espagnoles d’Alger, Maltaises, Juives et Mauresques. Tandis que le grand Jéror et Courcier, les seuls qui connussent Paris, faisaient du quartier latin un Eldorado et divinisaient les femmes de Bullier. Le nonchalant Mengar, accoudé, affaissé sur la table, ses longs cheveux rejetés en arrière, des flocons de fumée de son énorme pipe évoquait pour lui seul quelque créole de quinze ans, fille précoce aux sens de feu, yeux aux longs cils, peau d’ambre et taille de roseau. Eux-mêmes, les plus brutaux et les plus grossiers : les Corses avec des cris gutturaux