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Page:Alexis - La Fin de Lucie Pellegrin, etc, 1880.djvu/188

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LES FEMMES DU PÈRE LEFÈVRE.

tabac, parmi les boîtes de cigares tout ouvertes. Bientôt même, par des infiltrations curieuses, la rumeur pénétra dans des sphères lointaines. Un maître d’études du collège ne sautait-il pas toutes les nuits par dessus le mur de la cour, pour aller jouer au baccarat dans des chambres d’étudiant : avec lui, deux de ses collègues et plusieurs rhétoriciens souscrivirent. Enfin, dès le dimanche suivant, à la musique, le gros de la population, ne sachant rien de précis encore, regardait instinctivement les Coqs avec des yeux inquiets.

Elle était toujours sur le qui-vive, la population. L’hiver dernier encore, n’y avait-il pas eu la mauvaise farce des bombes. Tout à coup, vers les deux heures du matin, la ville entière, plongée dans le doux anéantissement du premier sommeil, ne s’était-elle pas réveillée en sursaut. Boum ! Boum ! Boum ! Ô vacarme et épouvantement ! Boum ! Boum ! Ô cauchemar ! le duc d’Épernon revenait-il bombarder la ville, cette fois avec de l’artillerie Krupp ! Et les vitres de trembler, et la bobèche de valser de peur autour du bougeoir éteint. Des dormeurs solitaires se trouvèrent tout à coup assis au milieu de leur lit ; d’autres, enfouis sous les draps avec leur casquamèche. Tandis que des couples légitimes se cognèrent le front, en s’embrassant d’effroi. Puis, quelques minutes de silence. Et, au moment où la ville se rendormait, un nouveau bombardement, cette fois plus lent, plus calme, à détonations régulière-