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Page:Alexis - La Fin de Lucie Pellegrin, etc, 1880.djvu/192

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LES FEMMES DU PÈRE LEFÈVRE.

notre compétence… » Puis, pour cacher leur inquiétude grandissante, les deux trésoriers-organisateurs s’étaient mis à parler beaucoup, passant des heures à pérorer dans les cafés au milieu de groupes, cherchant à s’étourdir eux-mêmes et à communiquer à autrui la confiance qui, au fond, les abandonnait. L’après-midi où ils avaient conduit le père Lefèvre à la gare, en lui remettant l’argent, ils lui avaient solennellement fait promettre d’écrire chaque jour. Le soir même, une dépêche adressée aux Quatre-Billards leur avait appris l’arrivée à bon port du père Lefèvre. Et, depuis, plus rien ! On était au mardi, avant-veille de la Mi-carême. Pas la moindre lettre en six jours ! Le petit papier bleu de la dépêche était toujours collé, avec deux pains à cacheter, sur la glace du Divan. Courcier et Jéror n’osaient plus y jeter les yeux. Le « bonsoir » qui complétait les vingt mots, leur semblait maintenant amer et dérisoire. Oui ! bonsoir les deux cent quatre-vingt-dix francs de la souscription ! Combien devait-il en rester de ces malheureux deux cent quatre-vingt-dix francs dans la poche percée de Lefèvre ? Avait-il dû en boire, pendant ces six jours, de l’absinthe de la maison Pernod ! S’était-il acheté une nouvelle redingote grise à la succursale de la Belle-Jardinière ? Bonsoir, les délices rêvées pour cette nuit désirée ! Et tout l’honneur qui devait leur en revenir, à eux, trésoriers-organisateurs, et leur prestige d’anciens étudiants de la Faculté de Paris : bonsoir ! bonsoir !… Des sueurs froides leur