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Page:Alexis - La Fin de Lucie Pellegrin, etc, 1880.djvu/195

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LES FEMMES DU PÈRE LEFÈVRE.

étudiants de première année. C’étaient de continuelles allées et venues d’habitués du Durand, en quête de nouvelles. On vit apparaître ainsi : beaucoup d’officiers en uniforme ; le comique et le grand troisième rôle du théâtre ; plusieurs maîtres d’études ; même une bande de collégiens, en tunique, que le principal avait autorisés à sortir cette après-midi là pour aller voir « passer le bachot ». Tout cela formait une sorte d’assemblée en permanence aux délibérations houleuses, une Convention pour rire, un club des Jacobins en miniature où Mauve, de Toulon, de sa bonne grosse voix, demandait de minute en minute la tête de M. Lefèvre. Et les Jouvin, de Marseille, dans leurs grands cols cassés de petits-crevés, se donnaient beaucoup d’importance. Les Corses semblaient se manger entre eux en vociférant leur patois, tous à la fois, avec cris féroces, trépignements épileptiques de tout le corps, et gestes qui semblaient brandir un couteau. Plus large et plus bête que jamais, la grande bouche du Conil, d’Avignon, se trouvait à chaque instant béante. Un souffle de passion et d’anxiété faisait moutonner davantage les chevelures grasses des Égyptiens, rendait plus luisants leurs yeux agrandis. Tandis que les lèvres minces du Polaque laissaient voir de longues dents blanches de jeune loup. Seul, Mengar, de l’Île-Bourbon, vautré sur le divan à la place accoutumée, semblait toujours chercher quelque chose au milieu de la fumée de sa pipe. Et encore, par moments, se-