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Page:Alexis - La Fin de Lucie Pellegrin, etc, 1880.djvu/196

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LES FEMMES DU PÈRE LEFÈVRE.

couant sa torpeur, il montait tout à coup sur une table, et là, les bras croisés, ses longs cheveux rejetés en arrière, commençait un discours d’une éloquence enflammée, « à la Jules Favre », pour se taire brusquement, trouvant l’attention de l’auditoire insuffisante, se recoucher, reprendre sa pipe et son rêve. Enfin, au milieu de ce remue-ménage, le père Brun était de mauvaise humeur.

— François ! gourmandait-il à chaque instant, servez donc ces messieurs !

Mais François restait les bras croisés, sa serviette blanche retombant flasque et morne, comme la voile d’un caboteur pendant le calme plat. Ces messieurs n’avaient rien commandé ! La consommation ne marchait pas. Sur le marbre de la grande cheminée, il n’y avait même plus de « culotte ».

Et plusieurs fois, ce jour-là, quelques minutes avant l’arrivée des trains, le Divan se vidait comme par enchantement.

— Qu’est-ce qu’il leur prend ! grommelait madame Brun à son comptoir. Où vont-ils encore ?

Le petit omnibus jaune-paille de l’Hôtel de Paris venait de passer sur le Mail, filant comme une flèche vers la gare, léger et sonore, vibrant à chaque cahot d’un bruit argentin. Et eux s’y rendaient aussi à la gare, sans trop savoir, d’un pas également léger, à peu près sûrs de retourner, comme l’omnibus, à vide. Mais, chose étonnante, à la même minute, comme