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Page:Alexis - La Fin de Lucie Pellegrin, etc, 1880.djvu/200

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LES FEMMES DU PÈRE LEFÈVRE.

dans les diverses salles d’attente. Il fallait bien tuer le temps ! Tandis que toute la bande des Corses, pour s’ôter le froid aux pieds, courait dehors sur le trottoir en battant la semelle, les Jouvin, de Marseille, Rocca, de Nice, plusieurs Égyptiens, se chauffaient dans la salle d’attente des premières. Tout un groupe causait avec les employés amusés. Mauve, de Toulon, tournait une galante invitation pour le bal à la vieille marchande de journaux. Les deux Bas-Alpins se pesaient à la balance des bagages. Mais au bout des vingt-cinq minutes, tous se trouvèrent en masse serrée contre la balustrade, attentifs, ne parlant qu’à voix basse, graves et froids maintenant comme des gens convaincus qu’ils remplissent un devoir.

Et quand la locomotive arriva devant eux, crachant sa vapeur, toute braisillante, du fond d’un collet de pardessus relevé, un cri, un seul… Qui ? on n’a jamais su… quelque « poussin » sans doute, une voix veloutée, vibrante de désir, très fraîche :

— Viens, ma petite femme, viens vite !…

Cette fois, les Coqs éprouvèrent, tous à la fois, une grande émotion. Une portière, contre laquelle était appendue l’étiquette « dames seules » ne s’ouvrait pas de suite. Et à travers la vitre baissée, le wagon leur paraissait plein de visages blancs et roses. Plus que virent-ils descendre ? Tout un couvent de religieuses qui changeaient de résidence.

Et c’était le dernier train. Plus d’arrivée jusqu’au