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Page:Alexis - La Fin de Lucie Pellegrin, etc, 1880.djvu/199

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LES FEMMES DU PÈRE LEFÈVRE.

deux lanternes vertes. Il ne faisait plus clair, que du côté de l’échappée de campagne d’où sortait la voie, courbant imperceptiblement sa quadruple ligne luisante de rails. Et là, le long de la balustrade, dans la buée bleuâtre du crépuscule, l’attitude de ceux qui attendaient, était devenue grave.

Il y avait les mêmes braillards : des « chut » leur fermaient la bouche. Des plaisanteries de loustics faisaient long feu. Plus de donneurs de nouvelles : Courcier et Jéror avaient-ils rejoint M. Lefèvre ? Une lettre était-elle arrivée ? Les femmes se trouvaient-elles dans le train ? Nul n’affirmait rien, maintenant. Les paroles étaient rares. Certains, un peu à l’écart, dans la nuit de plus en plus opaque, fumaient. Bientôt tous ne formèrent qu’une vague et profonde masse sombre bordant la voie : de temps en temps, à la lueur d’une allumette, apparaissait le bas d’un visage. Et, derrière, par dessus les jeunes plantations de l’avenue du Chemin de fer, la ville, également noire et muette, ouvrait de petits yeux jaunes.

Puis, à l’improviste, comme un cinglement :

— Vingt-cinq minutes de retard !

— Pas possible !

— Un employé vient de le dire… Le télégraphe l’a signalé…

Secoués, pris d’un subit besoin de locomotion, tous se dispersèrent aux quatre coins de la gare. Il y eut bientôt des Coqs partout : au buffet, à la buvette, et autour des guichets, et devant la bibliothèque,