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Page:Alexis - La Fin de Lucie Pellegrin, etc, 1880.djvu/216

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LES FEMMES DU PÈRE LEFÈVRE.

semble chaque syllabe : « Où les as-tu ramassées ? » Et, peu à peu, ce fut l’assistance entière, électrisée, subitement prise d’aliénation mentale, qui se mit à vociférer la question. Chaque fois, des voix nouvelles renforçaient cette sorte de chœur burlesque. Les femmes, qui avaient englouti leurs biscuits, se mirent de la partie. De petites voix aiguës, perçantes, se détachant au-dessus des autres, criaient, elles : « Où nous as-tu ramassées ? »

Et les vitres tremblaient. Et, de l’autre côté des volets fermés, dans la rue où stationnait une partie de la population, des curieux s’écrasant la joue aux barreaux des fenêtres pour entendre quelque chose :

— Chut !… On va savoir où il les a ramassées !…

M. Lefèvre, en se versant de nouveau de l’absinthe, faisait quelques coquetteries. Même il eut un adorable sourire de bonhomme :

— Qu’importe d’où elles viennent, après tout, puisqu’elles vous plaisent ?

Et, comme tous le huaient, en lui criant qu’il n’était pas difficile, M. Lefèvre plaida avec candeur les circonstances atténuantes ; la fatigue du voyage ! la fumée de la locomotive !… Ils verraient, lorsqu’elles auraient fait un brin de toilette !

— Tenez ! regardez-moi ces joues fraîches, fit-il en pinçant la joue rougeaude de Bianca. Une pêche ! n’est-ce pas ?… Et, l’avant-dernière de ce côté, Dolorès : la jolie frimousse chiffonnée !