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Page:Alexis - La Fin de Lucie Pellegrin, etc, 1880.djvu/222

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LES FEMMES DU PÈRE LEFÈVRE.

— Votre cercle ! si le feu pouvait une bonne fois le… Passer encore toute ma longue soirée, ici, seule !…

Mais le Mail, ce soir-là, présentait une animation inaccoutumée. Des étoiles dans le ciel balayé, certains magasins ouverts et éclairés plus tard qu’à l’ordinaire, beaucoup de promeneurs. À la hauteur de la fontaine du Bon-Grand-Homme, on se sentait à chaque instant coudoyé, comme à Paris, à la même heure, au boulevard des Italiens. Un fourmillement d’hommes arrêtés devant les Quatre-Billards, envahissant jusqu’à la chaussée du milieu, rappelait même la Petite-Bourse. À partir de neuf heures, les Coqs commencèrent à arriver de leurs pensions par bandes de quinze, vingt, trente, entraînant une ou deux femmes. Et ils ne se hâtaient pas d’entrer au café. Leur joie était de passer au plus épais de la foule et d’y stationner, le verbe haut, l’œil allumé, radieux de montrer leurs conquêtes. Celles-ci, ébouriffées par les premières galanteries des Coqs, le chapeau de travers, avaient, grâce au vin cacheté, un commencement d’enthousiasme.

— Toi, mon grand brun, je t’aime… si tu m’achètes une paire de gants.

Une autre, sur l’air des lampions, en dansant :

— Un coiffeur !… Un coiffeur !… Un coiffeur !… Vous êtes vingt-six, cotisez-vous pour me payer le coiffeur.

Et la petite Laure, se tordant comme une couleuvre