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Page:Alexis - La Fin de Lucie Pellegrin, etc, 1880.djvu/224

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LES FEMMES DU PÈRE LEFÈVRE.

banquier de la première chanteuse, et le Juif à tête d’oiseau, attendaient ensemble depuis une éternité. Tout à coup une agitation passa le long de leur échine, les fit se frotter les mains, les poussa dans une rue sombre : la petite Laure arrivait en courant, décoiffée et cramoisie, seule. Elle avait échappé aux Coqs, celle-là, pour visiter la ville et les monuments ! Elle disparut tout de suite dans la même rue sombre.

Et la ville entière, maintenant, sous l’influence des femmes, subissait comme un énervement.

Un peu après minuit pourtant, le magasin du duc « de la Roche-faux-col », les coiffeurs et bureaux de tabac, éteignirent, fermèrent. Puis ce fut le tour du café Durand. Celui des Quatre-Billards, le dernier, boucla ses portes, sauf une qui resta entrebâillée pour les retardataires. Et, comme il faisait vaguement clair de lune, l’homme du gaz venait de passer, et d’éteindre deux réverbères sur trois, par économie municipale. Une partie de la population n’en stationnait pas moins sur le Mail devenu noir. Elle se tassait peu à peu sur l’allée du Midi, en un rassemblement compact, devant le café du père Brun. Soudain, au premier étage, cinq fenêtres s’éclairèrent. Elles trouaient le noir de la nuit de leurs grandes vitres braisillantes. Et d’en bas, du Mail, les regards de la population ne se détachaient plus de ces cinq phares jaunes. Mais, le mieux placé pour voir, c’était le Bon-Grand-Homme sur son piédestal, le front en plein dans un reflet clair ruisselant sur les dentelures de