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Page:Alexis - La Fin de Lucie Pellegrin, etc, 1880.djvu/230

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LES FEMMES DU PÈRE LEFÈVRE.

ils étaient tout à leur jeu, maintenant : « — À vous la pose ! — J’ai le double-six ! — Ne faites pas un parisien ! — Je boude ! — Domino ! et j’en marque trente ! » Un reste d’agitation tortillait pourtant sur son tabouret le grand Juif crasseux à tête d’oiseau. De temps en temps, le nez intérieurement tapissé de poils blancs de l’huissier, se tournait encore dans la direction du Divan. Là, au contraire, les stores et jalousies baissés, il faisait un reste de nuit. Dans un coin noir, autour d’une grande table ronde, Bianca et la bande des Corses prenaient toujours le chocolat. Sur la large banquette rembourrée, pêle-mêle avec des Coqs qui n’avaient pas eu le courage de rentrer, dormaient deux femmes dont on ne voyait que les bottines déboutonnées et les jupes. Mais Mengar, de l’Île-Bourbon, blanc comme un linge, fumait rêveusement sa pipe, tout en embrassant parfois Dolorès éreintée qui lui ronflait sur l’épaule. Pendant ce temps, au café Durand qui venait d’ouvrir, Georgette était attablée entre le chef de musique et le lieutenant Ladoucette. Tandis que, dans une chambre de capitaine, Boulotte, l’énorme Boulotte, déjà en jupons blancs et toute dépoitraillée, rallumait une moitié de cigare éteint trouvé sur la cheminée. Et les Égyptiens venaient de rentrer, avec la négresse Fatma, dans la petite maison meublée qu’ils occupaient tout entière à côté du théâtre. Et la petite Laure dormait sur les deux oreilles, toute seule dans un grand lit, celle-là ! dans la plus belle chambre de