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Page:Alexis - La Fin de Lucie Pellegrin, etc, 1880.djvu/250

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JOURNAL DE MONSIEUR MURE.

de sa canne, il appliqua, en passant, une petite tape sur le derrière d’une jeune bonne qui, chargée d’une corbeille, se dirigeait vers la gare. Au milieu du faubourg, devant une vieille affiche de spectacle, ce fut un feu roulant de calembours. Alors, impatienté à la fin, moi qui ne m’étais endormi dans la nuit qu’à trois heures, pour avoir pensé à sa fille ! je lui ai tout dit. Mais, — comme je le connais, — : avec circonspection, petit à petit, en juxtaposant des faits.

Au commencement, ce ne fut que de la stupéfaction et de l’incrédulité. Ah ! bien oui ! que lui chantais-je là ?… Sa fille !… D’abord n’était-ce pas sa fille, sa fille unique, à lui Théodore Derval, officier supérieur de l’armée d’Afrique, ex-aide de camp de Changarnier, décoré sur le champ de bataille, trente-sept ans de services, dix-neuf campagnes, onze blessures !…

Et puis n’avait-elle pas été élevée à Saint-Denis, sa fille ! avec des filles de commandants, de colonels, de généraux… de simples légionnaires, — une éducation parfaite ! à la fois égalitaire et hiérarchique !… Eh, je le savais bien moi-même ! De neuf ans, âge où elle avait perdu sa mère, à dix-neuf, Hélène n’avait-elle pas profité, là-haut, des leçons des premiers maîtres de la capitale !… Sortis du faubourg, nous étions alors sous les ormeaux séculaires du boulevard Saint-Louis.

Heureusement, il ne passait personne. Lui, déjà le sang à la tête, élevait de plus en plus la voix, ne me