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Page:Alexis - La Fin de Lucie Pellegrin, etc, 1880.djvu/263

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JOURNAL DE MONSIEUR MURE.

sensations avaient une verdeur exaltée qui me surprend. Il est vrai qu’en ce temps-là je n’étais pas sans quelques velléités littéraires, je lisais Balzac et Stendhal, je savais Musset par cœur. Dans mes lettres à des amis, comme dans mes premières plaidoiries aux assises, il m’arrivait de chercher à faire du style. Comme aussi le soir, dans mon lit, avant de m’endormir, d’échafauder de grands châteaux de cartes : Paris !… Des succès de publiciste et d’orateur !… Des amours à la Rastignac, à la Julien Sorel !… De l’argent ! des voluptés ! de la gloire ! du pouvoir !… Aujourd’hui, devenu positif, froid, de sens rassis, je ne récrirais pas ces lignes.

Ou, du moins, je ne m’amuserais plus à la futilité de dessiner un petit croquis de la musique du jeudi. Je ne m’attarderais plus au dénombrement clérical de la ville. Maintenant aussi, j’ai cessé d’en vouloir au mistral, j’ai pris mon parti des « petits oliviers poussiéreux » ; et l’herbe des rues, le pavé impraticable, les fontaines sans eau, la moyenne vulgaire de l’esprit des habitants, j’ai fini par m’y habituer… À part ces nuances de détail ou de forme, résultat de la différence d’âge, le fond de mes observations de ce temps-là était juste.

Moi seul, j’ai changé : X… est toujours X… !