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Page:Alexis - La Fin de Lucie Pellegrin, etc, 1880.djvu/285

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JOURNAL DE MONSIEUR MURE.

ne se « foutait-il pas carrément » de l’opinion publique ! Un de ces matins, il allait « bazarder » sa petite maison, quelques lopins de terre qui lui restaient à Miramont ; et, ses quatre sous réalisés, il ferait un pied de nez à X…, ce trou, cette ville assommante, cette boîte à cancans. On dirait ce qu’on voudrait, il irait vivre à Paris, à côté de sa fille, de sa fille qu’il avait hâte d’embrasser… Sa fille ! il lui avait pardonné depuis longtemps. Elle avait eu joliment raison, après tout, de ne pas se laisser embêter longtemps par un tas de saintes nitouche, qui, si Hélène avait un amant, en avaient, elles, trente-six… Et puis, rien que pour sa santé même, Paris, la vie active de Paris, lui était indispensable. À X…, il étouffait ! Il n’était pas si vieux, que diable ! il se sentait encore solide. Ces soudards du camp de Médéah passaient pour des durs-à-cuire ! Et après avoir secoué les cendres de sa pipe, il sortit du lit, passa ses pantoufles et alla sur le palier crier à la bonne de lui faire cuire une côtelette. Je le quittai vers le soir, très rassuré. Au milieu de la nuit, on vint sonner violemment à ma porte : il était mort !

Le surlendemain, l’heure de l’enterrement arrivée, Hélène, malgré trois dépêches de moi, n’avait pas donné signe de vie. J’avais en son nom lancé des lettres de faire part. Je dus conduire le deuil avec un arrière-petit-cousin du commandant, propriétaire à Miramont, venu pour la circonstance. Une compagnie de la garnison rendait les honneurs militaires.