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Page:Alexis - La Fin de Lucie Pellegrin, etc, 1880.djvu/319

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JOURNAL DE MONSIEUR MURE.

recherches auxquelles il s’est livré, par pur acquit de conscience, n’ont fait que le confirmer dans sa certitude : de tout l’hiver Mme Moreau n’a pas mis les pieds à Nice ; non seulement à Nice, mais ni à Monte-Carlo, ni à Antibes, ni à Cannes, ni en aucun point intermédiaire du littoral.

Alors, où est-elle ? dans quelle direction porter mes recherches ? Je m’agite du matin au soir en des tentatives stériles. La nuit, je ne dors pas. À force de me creuser la tête, j’en arrive à des imaginations insensées. Au moins, si j’avais pu retrouver le numéro du fiacre à galerie attelé de deux chevaux, qui, un soir d’octobre, est venu la prendre à la pension de famille avec ses malles. Je suivrais toujours un peu plus loin la trace d’Hélène. Le cocher m’eût appris où il l’avait conduite ce soir-là : dans un hôtel ou à quelque gare ! À l’hôtel, je retrouvais le nouveau nom qu’elle a dû prendre ; la gare me faisait probablement deviner la contrée vers laquelle elle a pu se diriger ! Mais je me suis adressé en vain à la Compagnie générale des Petites-Voitures. J’ai inutilement mis une annonce au Rappel et dans le Petit Journal, feuilles que lisent les cochers. Est-elle encore à Paris ? En France seulement ? Avec un caractère comme le sien, fier et décidé, avec sa volonté indomptable, les résolutions extrêmes sont les plus probables. Qui sait ? l’Amérique, peut-être, avec une vie nouvelle ? ou la mort anticipée d’un couvent ? ou autre chose ?

Avant-hier, je suis allé à la Morgue. De la grille du