Aller au contenu

Page:Alexis - La Fin de Lucie Pellegrin, etc, 1880.djvu/328

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
316
JOURNAL DE MONSIEUR MURE.

chambre s’est bientôt changée en petit lac. Malgré ce temps-là, elle est sortie après son dîner, vers huit heures et demie. Philippe, que j’ai tout de suite sonné, sous prétexte de m’enlever cette eau, m’a appris que madame Hélène sortait ainsi après son diner, tous les soirs, quelque temps qu’il fît, et ne rentrait qu’à onze heures. « Y a-t-il longtemps qu’elle a cette habitude ? — Non, monsieur ; seulement depuis trois semaines. — Ah ! » fis-je avec indifférence. Et je me mis à lui parler d’autre chose. Puis, tout à coup, à brûle-pourpoint : « Où, diable pensez-vous qu’elle soit allée par cette tempête, ma voisine ? » Alors, avec ses deux mains rapprochées, le grossier personnage se mit à faire un geste obscène. Et il riait d’un rire gras, bêtement. Je l’aurais souffleté. Mais je me contins. « Tiens ! dis-je froidement, vous croyez ? » Sans rien ajouter, Philippe continua à rire, de ce rire gras qui me semblait salir Hélène. Puis, voyant que mon front se plissait, il balbutia des explications. Il disait ça en l’air, lui, sans savoir ! Cette dame était sans doute honnête… Et il s’y connaissait, en honnêteté, lui qui servait depuis trente ans dans les hôtels meublés ! Seulement, quand je l’aurai vue, cette dame, je saurai lui en dire des nouvelles. Quoi ! un vrai morceau de roi !… La plaisanterie, c’était la plaisanterie, mais cela n’empêchait pas de rendre justice au monde… Sur ces entrefaites, tout à côté de ma chambre, dans le couloir, nous entendîmes une clef ouvrir une porte.