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Page:Alexis - La Fin de Lucie Pellegrin, etc, 1880.djvu/339

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JOURNAL DE MONSIEUR MURE.

Une curiosité tendait vers lui des têtes, faisait rompre à certains l’alignement. Et, de lèvres en lèvres, un nom circulait : « Fernand !… Fernand ! » C’était son public de tous les soirs, des gens du quartier venant chaque jour à la même place voir travailler Fernand : boutiquiers d’en face tête nue, cuisinières en tabliers de cuisine, employés n’allant pas au café par gêne, ouvriers rentrants avec leurs outils, couples sortis pour respirer l’air pur du boulevard extérieur. Et, la fille en cheveux qui venait d’acheter un journal était là, son chien sous le bras, un peu en arrière, essayant à droite et à gauche d’un sourire. Tandis qu’au premier rang, où elles s’étaient faufilées en bousculant tout le monde, cinq ou six effrontées de douze à quatorze ans en rupture de dodo, troussées comme des souillons, dévoraient des yeux les jambes en maillot couleur chair du saltimbanque et faisaient tout haut leurs réflexions : « — Fernand a quelque chose, ce soir, pour sûr ! — Oui, l’air tout embêté ! peut-être brouillé avec sa connaissance ! — Regarde donc ! Clara, il s’est joliment fourré de la pommade. » Une s’enhardit jusqu’à toucher les bouts du ruban de velours grenat qui rejetait en arrière l’épaisse chevelure de Fernand. Alors, il releva la tête.

— Au large, tas de vermine !

Et l’on vit son front mat, un peu bas, son beau visage de médaille, si ferme et si pur de contour, avec cela tellement brun, qu’on eût dit du bronze. Et l’on se recula, non seulement les gamines, mais