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Page:Alexis - La Fin de Lucie Pellegrin, etc, 1880.djvu/340

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JOURNAL DE MONSIEUR MURE.

les curieux, laissant autour de son tonneau un vide respectueux.

L’orgue de Barbarie appelait encore. Maintenant, il faisait tout à fait nuit. Les chandelles, du haut de leurs bouteilles, répandaient une clarté vacillante, fumeuse. Et Fernand restait le nouveau comme écrasé sous le poids de sa tignasse noire frisée naturellement. On ne voyait plus bien que le dessus de son crâne un peu déprimé sous la toison des cheveux lustrés par la pommade, un crâne d’hercule à cerveau étroit, ne devant jamais contenir qu’une idée à la fois. Et, cette idée, en ce moment, lui tenait le front bas, clouait à terre son regard absorbé, tandis que l’autre saltimbanque, sa jaquette enlevée, s’égosillait en boniments que le public n’écoutait pas. Celui-là, déjà vieux, laid et mal fait, avait beau marcher sur les mains, ses deux jambes croisées derrière la nuque, personne ne le regardait. De rares sous pleuvaient sur le tapis. La main gantée d’Hélène passa entre deux personnes qui se trouvaient devant elle, jeta une pièce blanche.

Mais Fernand n’était plus isolé sur son tonneau. Deux voyous à casquette, probablement ceux qui s’étaient colletés devant le bal du Chalet, venaient de fendre le cercle, lui serraient la main. Fernand mit vivement pied à terre. Tous trois causaient confidentiellement, les yeux dans les yeux, avec de petits rires, en bons camarades qui s’intéressent à une affaire et qui se comprennent à demi-mot. Il devait