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Page:Alexis - La Fin de Lucie Pellegrin, etc, 1880.djvu/349

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JOURNAL DE MONSIEUR MURE.

nand se trouvait toujours dans ses jupes. À l’angle du boulevard et de la rue de Rome, Hélène tourna brusquement, prit la rue obscure et déserte. Alors Fernand, jetant son cigare, lui passa son bras autour de la taille. Et, de sa main restée libre, il tenait une des mains d’Hélène. Il la lui baisait dans l’ombre. Hélène se laissait faire ! Alors mes jambes, lourdes comme du plomb, restèrent clouées sur place. Il me passa une sorte de voile devant les yeux. Et un sanglot étouffé me retomba à secousses profondes dans la poitrine. Hélène, cette fois, était perdue, tout à fait perdue, et je ne pouvais ni crier, ni pleurer. Je détournai la tête… À ce moment, un train quittant Paris à toute vapeur s’engouffrait en sifflant sous le pont du boulevard extérieur. Et le pont tremblait. De la fumée épaisse jaillissait à gros flocons de la grille du parapet, s’élevait en nuage. Puis le train siffla de nouveau, invisible et déjà loin, du côté de la campagne. Du côté de Paris, le nuage de fumée se dissipait ; et à mesure, par l’échappée de la gare Saint-Lazare, je voyais poindre une infinité de petites flammes jaunes, immobiles, surnageant à la surface d’un lac noir… C’était là, à gauche et dans le fond, pas très loin : les fenêtres de son ancien appartement de la rue de Saint-Pétersbourg ! le balcon d’où, autrefois, à la tombée du jour, elle m’avait fait admirer le chemin de fer ! Je reconnaissais les hautes maisons modernes aux fenêtres en damier, toutes éclairées à cette heure. Là, depuis ces trois ans, vivaient, d’autres femmes