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Page:Alexis - La Fin de Lucie Pellegrin, etc, 1880.djvu/354

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JOURNAL DE MONSIEUR MURE.

petit brasier… Mais, je vous en supplie, dites-moi encore une chose : M. Moreau, votre nouveau président, eh bien, quelle tête faisait-il ?…

Puis, je me suis levé. J’ai passé ma robe de chambre ouatée ; et, après m’être débarbouillé avec de l’eau tiède, les pieds bien au chaud dans mes pantoufles de feutre, — une excellente acquisition dont je m’applaudis tous les jours, — je viens de déjeuner au coin du feu. Des œufs brouillés aux truffes et un perdreau froid, jeune et tendre, bardé de lard, sentant le thym de la colline. Avec cela, un excellent vin du pays, dont on fabriquerait, à Paris, un vin de grande marque. Six ans de bouteilles et une belle teinte jaune acquise en vieillissant ! C’est que je deviens gourmand. Au dessert, Nanon m’a apporté avec mystère un grand plat recouvert d’une assiette renversée. J’ai soulevé l’assiette…

— Un gâteau de châtaignes. Merci ma bonne vieille !

— Monsieur le trouvera exquis… Je n’ai pas économisé la vanille, ni la fleur d’oranger… À moins que depuis l’hiver dernier, je ne sache plus la recette !…

— Il n’y a que toi, Nanon, il n’y a que toi !…

Et j’ai enfoncé ma cuiller dans la succulente pâte, onctueuse et parfumée, — un secret de Nanon, que, le jour où je la perdrai, Nanon emportera avec elle dans la tombe, — dans la succulente pâte recouverte d’un glacis blanc comme la neige et saupoudré d’anis roses et bleus. Et, tout en reprenant trois ou quatre fois de ce gâteau, je pensais à mon enfance, au