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Page:Alexis - La Fin de Lucie Pellegrin, etc, 1880.djvu/368

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JOURNAL DE MONSIEUR MURE.

n’écoutant plus, et leur assiette vide, s’éventaient à petits coups, quelques-unes renversées sur le dossier de leur chaise. Hélène, elle, répondait de temps en temps à une phrase compassée du premier président, son voisin de droite ; puis, d’un regard lancé aux domestiques, elle pressait le service un peu languissant. Tout à coup, au dessert, au moment du champagne, on entendit une musique douce qui semblait descendre du plafond. L’orchestre, déjà installé sur son estrade dans la salle de bal, jouait une première valse.

— Bon ! nous allons bientôt danser ! fit M. de Lancy.

Et il quitta sa coupe, où l’écume du moët achevait de tomber, pour taper ses deux mains l’une contre l’autre, en grand enfant.

— Dîner en musique ! murmura la femme du nouveau procureur général, fi donc !

— Comme à Paris, au Palais-Royal !… lui souffla le recteur.

— Oui… à quarante sous !

Je n’en entendis pas davantage. Et personne ne fit plus attention à la valse. En face de moi, les longs doigts minces de madame de Lancy pelaient lentement une mandarine, dont la bonne odeur délicate et pénétrante m’arrivait à travers la table. Et moi, je me demandais si quelque part, autrefois, je n’avais pas entendu le même air à trois temps. Tout en cherchant, mon regard rencontra celui d’Hélène. Une