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Page:Alexis - La Fin de Lucie Pellegrin, etc, 1880.djvu/369

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JOURNAL DE MONSIEUR MURE.

même pensée ! À son front, une subite rougeur ! Elle se souvenait comme moi. C’était bien la même valse. Celle que jouait éternellement l’orgue de Barbarie, sur le boulevard des Batignolles, pendant que Fernand, l’acrobate en maillot couleur chair et en caleçon cerise, soulevait un tonneau avec les dents.

Fernand, Hélène attendant le saltimbanque sur le boulevard extérieur, Fernand la tenant par la taille dans la rue de Rome, ma nuit de torture passée dans la chambre d’hôtel, l’attente à la fenêtre à interroger le néant noir de la Cité-des-Fleurs, la fièvre me faisant m’asseoir d’heure en heure à ma table et couvrir de phrases incohérentes des feuilles de papier, tout cela me revint à la fois, en une seconde, avec le frisson d’un cauchemar interrompu qui recommencerait. Mais, en même temps que ce subit malaise, est-ce que nous ne sortions pas de table ? Je venais de voir cette même Hélène se lever la première, passer au bras du premier président devant ses invités debout et respectueux. Et, maintenant, dans les trois salons remplis par enchantement, est-ce que « la société » entière de X… n’arrivait pas à la file, tous venant d’abord à Hélène : les femmes décolletées, un peu émues, éblouies par l’éclairage, écrasées par le luxe, le rang et la fortune, se demandant si leur toilette était irréprochable et si madame Moreau ne leur en voulait plus ; les hommes la saluant très bas !… Tiens ! là-bas qu’apercevais-je ? Cette longue femme sans hanches, si mal fagottée,