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JOURNAL DE MONSIEUR MURE.

et dépassant les autres dames de la tête, c’était à ne pas y croire ! — « Madame Jauffret ! » murmurait-on à côté de moi. Embarrassée de sa haute taille, sentant beaucoup de regards sur elle, des regards étonnés qui semblaient dire : « Comment ? elle a osé venir, dans cette maison qui lui a appartenu !… Son petit bonhomme de mari, déjà à la table de jeu, tente de gagner la toilette de sa femme ! » disgracieuse et revêche, madame Jauffret ne trouvait pas de chaise. La femme du nouveau procureur lui fit signe, de loin, qu’il y avait une place près d’elle. Et elles se mirent à chuchoter toutes deux, très animées, cherchant de temps en temps Hélène des yeux. Mais la haine sourde de leurs regards passait inaperçue dans le brouhaha de sympathie de toute une ville reconquise. Heureux pour Hélène, je ne pensais plus à rien, et j’avais très chaud. Je vins me réfugier dans le petit salon bleu.

Là, l’éclairage était moins éclatant, la température plus douce. Rien que quatre whisteurs à une table de jeu, et quelques messieurs debout, me tournant le dos, qui pariaient sur chaque rob. La causeuse où Hélène reste ses après-midi à broder ou à lire, était libre. Je m’y assis, très las, et, tirant mon mouchoir, je m’essuyai le front et les joues. Un domestique passait un plateau. Je pris un sorbet. Puis, me sentant bien, je me renversai en arrière, les pieds sur un tabouret, la tête appuyée au dossier de la causeuse. Le murmure du quadrille que l’orchestre