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Page:Alexis - La Fin de Lucie Pellegrin, etc, 1880.djvu/68

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L’INFORTUNE DE MONSIEUR FRAQUE

Le jeune Fraque passa bachelier, commença son droit à la Faculté de Noirfond ; à la mort du premier président son père, il avait déjà sa dixième inscription. À vingt-deux ans, seul et libre dans la vie, maître d’une jolie fortune, M. Fraque consacra un temps convenable au grand deuil et à une réelle affliction, puis partit comme un fou pour Paris. Il mit six ans à y passer son quatrième examen et sa thèse ; au bout de six ans, se portant toujours comme un jeune chêne, il se trouva que ce prodigue raisonnable n’avait dépensé que ses rentes annuelles, plus une vingtaine de mille francs de dettes. La liquidation de ses folies de jeunesse diminua donc fort peu son capital. Puis, avant la trentième année, devenu sage, M. Fraque ne songea plus qu’à rentrer à Noirfond.

Il avait assez de Paris. Paris, où il n’avait rien à faire, lui pesait ; M. Fraque était né « provincial ». Perdu dans cette foule affairée et indifférente, où nul ne faisait attention à lui, n’ayant ni passion ni grande ambition pour lui tenir compagnie, isolé, il s’ennuyait. Ce n’était pas que M. Fraque restât indifférent à la vie de son temps, à la poussée de sa génération. Il lisait les journaux. Il était libéral comme la jeunesse l’était sous le règne de Charles X, dans les limites de la charte. Il fréquentait M. Thiers et M. Mignet, ses condisciples, qu’il avait connus en Provence, au collège et à la faculté de droit. Il allait de temps en temps chez M. Guizot. Mais assez fin pour sentir par des nuances imperceptibles que ces jeunes ambitions