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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.2.djvu/110

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MESSIANISME, LA LITTÉRATURE APOCRYPHE


jetés dans un lieu de supplice plus terrible, xxii, 10-13. Ce lieu sera la vallée de Hinnom où, en face des justes qui se trouvent à Jérusalem, ils seront continuellement tourmentés, xxvii, 1-4.

Les justes sont classés en deux catégories. La première comprend ceux qui sont morts à la façon d’Abel d’une mort violente ; ils ne sont pas encore heureux et gémissent, xxii, 5-7. La seconde est formée de tous les autres justes. Ceux-ci sont heureux ; l’endroit où ils se trouvent est éclairé et possède une source d’eau, xxii, 2-9. Rien n’est dit sur leur sort à l’avènement du grand jugement. Mais leur résurrection et leur participation au bonheur des justes vivants doit sans doute être sous-entendue.

Cette apocalypse rappelle ce qu’on lit dans Isaïe, xxiv-xxvii. Elle dépasse ce morceau par les détails qu’elle donne sur la situation des défunts, tant préliminaire jusqu’au jugement final, que définitive par suite de ce jugement ; d’autre part elle affirme moins clairement la résurection et le caractère spirituel du bonheur final des justes. Il est étrange que l’auteur ne se soucie pas du sort ultérieur de ces élus, quand ils seront arrivés au terme de leur longue vie.

2. A cette première partie du livre d’Hénoch sont étroitement apparentés les c. lxxii-cviii. Comme la plupart d’entre eux sont également connus à l’auteur des Jubilés, iv, 17-23, on les regarde avec raison comme la suite primitive de i-xxxvi.

C’est en premier lieu le Livre astronomique, lxxiilxxxii, qui, tout en étant consacré aux astres et aux lois qui déterminent leur marche, contient des idées eschatologiques : l’ordre actuel qui se constate au firmament sera en vigueur jusqu’à ce que se produise la nouvelle création dont les œuvres dureront éternellement, lxxii, 1. Avant ce renouvellement, il y aura une grande commotion et perturbation au ciel et dans toute la nature : obscurcissement des étoiles, irrégularité de leur marche, sécheresse et infertilité de la terre. Toutes ces calamités seront causées par les péchés des hommes mauvais et procureront la mort à tous les impies, lxxx, 1-8. Pour les justes, au contraire, il n’y aura pas de jugement, lxxxi, 4, Cette doctrine se présente comme un complément de celle du début i-xxxvi..

Le second morceau est le Livre des visions historiques, lxxxiii-xc, dont la deuxième partie, lxxxv-xc, est un abrégé de l’histoire de l’humanité, en particulier d’Israël jusqu’à l’érection du règne messianique. La forme en est d’un symbolisme excentrique. Adam et les premiers patriarches y sont comparés à des taureaux, les Israélites à des brebis, leurs ennemis à des bêtes fauves et à des oiseaux de proie. L’auteur présente l’époque de l’histoire juive qui a commencé par l’exil comme la plus malheureuse de toutes. Depuis la perte de son indépendance, le peuple élu est sous la domination cruelle de soixante-dix bergers, c’est-à-dire de tyrans païens, et d’esprits célestes dévoyés qui, en quatre périodes formant ensemble soixante-dix laps de temps (semaines d’années ?), maltraitent plus que jamais les brebis et les livrent aux animaux sauvages.

Au moment où les brebis sont devenues aveugles, elles mettent bas des agneaux. Ceux-ci cherchent à réunir autour d’eux les brebis pour tenir tête aux animaux. Aux agneaux poussent des cornes et à l’une des brebis une grande corne. Ces agneaux représentent. d’après l’opinion de tous les auteurs, les Hasidim du temps machabéen et d’après la majeure partie d’entre eux, Lucke, Schodde, Langen, Bousset, O. Holtzmann, Charles, Fr. Martin, Causse, Frey, la grande corne est Judas Machabée. La lutte devient acharnée ; car « tous les aigles, éperviers et corbeaux… se réunissent pour abattre la grande corne. » Mais tout

à coup Dieu intervient, xc, 17 sq. Il frappe de son bâton de colère la terre, qui s’ouvre pour dévorer tous les animaux et tous les oiseaux. En même temps les brebis reçoivent un grand glaive pour tuer leurs ennemis.

Alors un trône est érigé dans la Terre sainte et Dieu y monte pour commencer le jugement. En premier lieu sont condamnées les étoiles déchues, ensuite les pasteurs, qui tous sont jetés dans un abîme de feu. Puis sont jugées les brebis aveugles, c’est-à-dire les Israélites infidèles ; elles sont également jetées dans un gouffre de feu près de l’ancienne Jérusalem ; celle-ci est remplacée par une nouvelle que le Seigneur habite. Là se réunissent toutes les brebis « qui avaient péri ou qui avaient été dispersées », xc, 33, et même « tous les animaux des champs et les oiseaux du ciel » ; ceux-ci adorent les brebis et leur obéissent, xc, 30. Il est probable que les brebis dont il est ici question sont les Juifs dispersés qui se joignent à ceux de Jérusalem, et que les autres animaux sont les païens qui n’avaient pas opprimé les Israélites. D’après l’expression « qui avaient péri » l’auteur penserait à la résurection des Israélites fidèles. Mais, d’après le contexte, il s’agit pour lui uniquement de la réunion des dispersés. Cf. Lagrange, op. cit., p. 126.

Alors le glaive, qui avait été confié aux brebis, est scellé et tous sont sages et bons. Finalement naît un taureau’blanc avec de grandes cornes « que craignent toutes les bêtes des champs et tous les oiseaux du ciel ». En même temps tous les membres de la nouvelle communauté de Dieu (ou seulement toutes les brebis ?) sont transformés en taureaux blancs, pendant que le premier taureau blanc, devient un taureau sauvage. Il n’y a pas de doute que le taureau changé en aurochs ne soit le Messie. Son apparition comme tel, ainsi que la transformation en taureaux des animaux qui l’entourent, signifie qu’à la fin des temps recommence l’âge d’or des patriarches qui avaient été également représentés comme des taureaux.

Le messianisme de cette vision, tout en ressemblant beaucoup à celui des c. i-xxxvi, est bien plus national : les Israélites jouent un grand rôle dans le rétablissement de l’ordre sur la terre et occupent une place privilégiée dans le nouveau royaume de Dieu. Il s’en distingue en outre par la mention du Messie. Celui-ci cependant n’intervient pas d’une façon active, comme les prophètes l’avaient toujours prévu. « C’est un ornement dû à la tradition prophétique, ce n’est pas un Sauveur. » Lagrange, p. 81.

Étant donné que les symboles choisis par l’auteur renferment des allusions au temps des Machabées, il faut conclure qu’il a regardé la grande intervention de Dieu comme tout à fait proche.

Tout à côté se trouve le récit d’une nouvelle vision qu’on nomme l’Apocalypse des dix semaines : dans le livre actuel cette vision est séparée en deux morceaux : xcm ; xci, 12-17. Hénoch y raconte l’histoire du monde à partir de sa naissance jusqu’au jugement messianique en la divisant en dix semaines. La septième semaine va de l’exil jusqu’au temps de l’auteur : une génération perverse s’est levée ; toutes ses œuvres sont mauvaises, xciii, 9 ; mais les fidèles élus seront sauvés, xciii, 10. Bientôt la huitième semaine, la semaine de justice commencera, xci, 12, qui sera l’ouverture du jugement final. Pendant toute sa durée les justes d’Israël prévaudront contre leurs oppresseurs, obtiendront des richesses et construiront « la maison du grand roi, c’est-à-dire le temple, dans une splendeur éternelle », xci, 13. Pendant la neuvième semaine aura lieu le jugement de toute l’humanité : « le monde sera noté pour la destruction et tous les hommes regarderont après le chemin de justice », xci, 14. La dixième semaine verra le grand jugement éternel, à l’occasion