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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.2.djvu/14

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    1. MESSE EN ORIENT##


MESSE EN ORIENT, DU IV* AU IXe SIÈCLE

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Mais le point sur lequel saint Jean Chrysostome insiste le plus est le rôle du prêtre principal et invisible qui est Jésus-Christ lui-même. Ses paroles sont absolument rebelles à une interprétation qui ramènerait la part de Jésus dans l’oblation du sacrifice de la messe à une intervention médiate et simplement virtuelle, provenant de la délégation donnée une fois pour toutes aux apôtres et à leurs successeurs dans le sacerdoce. D’après le docteur grec, Jésus, à la messe, est l’acteur principal, quoique invisible ; le prêtre visible n’est que son instrument, son prêtevoix, son locum tenens. Classique est le passage de la I" homélie sur la trahison de Judas, 6, t. xlix, col. 380, où cette doctrine s’exprime avec le plus de relief : « C’est le moment d’approcher de la table redoutable… Le Christ est là : c’est lui qui prépara la table [du cénacle] ; c’est lui aussi qui maintenant orne la nôtre. Ce n’est pas un homme, en effet, qui fait que les dons deviennent le corps et le sang du Christ, mais le Christ lui-même crucifié pour nous. Le prêtre est là remplissant un rôle et prononçant les paroles, a^TJfia irÂTjpcùv, xà prjfxaTa <p0eyy6fi.evoç Èxsïva, mais c’est la vertu et la grâce de Dieu qui opère. Ceci est mon corps, dit le prêtre : c’est cette parole qui change les dons, toûto tô pïjfza |i.eTappo6[iiÇsi Ta 7rpox£Îfvsva. » Chrysostome sans doute ne nie pas que le prêtre visible et l’Église dont il est le représentant offrent vraiment le sacrifice ; mais cette offrande même, Jésus l’offre sans cesse à son Père : « S’adressant à Jésus-Christ, Fils de Dieu, à celui qui devait naître de la vierge Marie, Dieu s’écrie : Tu es prêtre selon l’ordre de Melchisédech, offrant perpétuellement par le pain et le vin l’offrande des offrants, apxw xal ol’vco ttjv tcôv 7rpoaxofi.(, Ç6vTa>v Trpoacpopàv sic to Sivjvexèç Ttpoaâywv. » De Melchis., 3, t. lvi, col. 262.

Théodoret, In ps. CIX, 4, P. G., t. lxxx, col. 1773 A, paraît s’éloigner quelque peu de cette conception et faire une part moins directe à Jésus dans l’oblation du sacrifice de la messe : « Le Christ, né de Juda selon la chair, exerce maintenant son sacerdoce [selon l’ordre de Melchisédech ] non qu’il offre quelque chose lui-même, mais en tant qu’il est la tête de ceux qui offrent, oùx aÙTÔç te 7rpoaçÉpa>v, àXXà tcov upooepspôvTcov xscpaXv) ^pv)[i.aTÎCwv. Il appelle, en effet, l’Église son corps, et par son intermédiaire il exerce son sacerdoce comme homme, recevant comme Dieu ce qui est offert. Or l’Église offre les symboles de son corps et de son sang, sanctifiant toute la pâte par les prémices, Sià TauTYjç EspaTsûei cî>ç avGpcojroç, Ss^sTai Se Ta 7rpotiq5£p6fjLEva œç 0s6ç. » II y a lieu de se demander si Théodoret ne parle pas ici de la simple oblation du pain et du vin avant la consécration, ou même après la consécration, puisqu’il paraît bien avoir nié la transsubstantiation. Voir art. Eucharistie de ce Dictionnaire, t., col. 1167. Il admet par ailleurs que Jésus est vraiment sacrifié à la messe. Cf. In Malach., i, 11, t. lxxxi, col. 1968 B : « L’immolation des victimes sans raison a pris fin, et seul désormais est sacrifié l’agneau immaculé qui ôte le péché du monde, fiovoç Se ô apico^oç àfxvôç îepeûeTai. »

Gélase de Cyzique, dans son Histoire du cencile de Nicée, t. II, c. xxx, P. G., t. lxxxv, col. 1317 B, attribue aux Pères du concile la déclaration suivante : « Considérons par la foi que l’agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde, git sur cette table sacrée, immolé par les prêtres sans l’être, [c’est-à-dire d’une manière non sanglante], àôÛTCoç ôttô tûv lepécov

0u6|i.£VOV. »

Que la victime mystiquement immolée sur l’autel soit dans l’état d’impassibilité et d’immortalité où l’a mise la résurrection glorieuse, c’est ce qu’enseigne très clairement Sévérien de Gabala dans un passage cité par Nicétas Akominatos dans le livre XXVIIe de

son Trésor de l’orthodoxie, publié par S. Eustratiadès, Mt}(aY]X toG TXuxâ eIç Taç adoptât ; T7jç Gdaç ypaçîjç XEcpâXaia, t. r, Athènes, 1906, p. XS’-Xe’: « Le pain et le calice qui sont sacrifiés sur les saints autels en mémoire de la mort et de la résurrection de notre grand Dieu et Sauveur Jésus-Christ sont consacrés, et sont réellement le corps même et le sang de celui qui a souffert volontairement dans la chair et qui est ressuscité pour nous incorruptible, impassible et immortel et communiquant à ceux qui le reçoivent l’incorruptibilité, l’impassibilité et l’immortalité. Le Seigneur lui-même, en effet, à la cène mystique où il mangea avec ses disciples et célébra le premier ce sacrifice, ordonna d’accomplir ce sacrifice de cette manière qui est observée jusqu’à ce jour dans les saintes Églises, ô apTOç xal tô xoTr, piov, Ta ènl tûv

àylwv 0UCTiaaTY)pîwv ÎEpoupyoïjfXEva TEÀsioÛTai xal

ecttiv aÙTÔ to awfxa xai to al|Aa aÙToij toù TcaG&vTOç exo’joîcoç arapxt, .. açGapTov xal daraGèç xal àQâvaTOv xai toiç [J.ETÉ/OUOW àcpOapaîaç xal ânaQsitxç xal àGavaaîaç uapsxTixôv.. » Même doctrine chez Eutychius de Constantinople dans le Discours sur la pâque et l’eucharistie déjà cité, P. G., t. lxxxvi b, col. 23932396 : « Quiconque reçoit une partie des espèces consacrées reçoit le corps de Jésus-Christ tout entier et son sang vivifiant, auxquels est unie la plénitude de la divinité du Verbe, car ce corps, après le sacrifice mystique et la sainte résurrection, est immortel et saint et vivifiant, tô (SccpGapxov y.szà t’^v fj.uaTi.xrjV ÎEpoupyiav xal ttjv àylav àvâaTacnv xal àOâvaTov xai àytov xai ^coottoiov awjxa xal aïfza toù Kuplou,

TOÎÇ àvTlTÛ7TOlÇ EVTt.GEjJ.EVOV Slà TCOV IspOUpy IWV. »

Le dernier des Pères grecs, saint Jean Damascène, enseigne, mais sans relief, que l’eucharistie est un vrai sacrifice, figuré par l’oblation de Melchisédech et les pains de proposition, identique à l’hostie pure et sans tache et non sanglante prédite par Malachie. De fide orthodoxa, t. IV, c. xiii, P. G., t. xciv, col. 1149-1152.

3° La consécration est l’acte central et essentiel du sacrifice de la messe. — Dans les diverses liturgies orientales, qui se sont multipliées et développées surtout à partir du iv siècle, nombreux sont les rites, nombreuses les prières dont l’ensemble compose le drame sacré du sacrifice eucharistique. Mais, parmi tous ces rites et toutes ces prières, il en est un de central et de principal : c’est celui par lequel le célébrant reproduit les gestes et répète sur le pain et le vin les paroles dites par Jésus à la dernière cène : Ceci est mon corps ; Ceci est mon sang ; en d’autres termes, la consécration ou transsubstantiation du pain et du vin au corps et au sang de Jésus-Christ est l’acte essentiel du sacrifice de la messe. C’est à ce moment en effet, que Jésus-Christ, prêtre principal et victime de ce sacrifice, paraît sur l’autel et s’offre lui-même invisiblement à Dieu, tandis que le prêtre qui tient sa place, l’offre visiblement. C’est à ce moment aussi que, par la signification des paroles prononcées, Jésus est immolé mystiquement, son corps étant placé sensiblement séparé de son sang : ce qui annonce et rappelle sa mort sur la croix ; et ce rappel et cette représentation symbolique est inséparable, en vertu même de l’institution divine, du sacrifice de la messe comme il sera dit tout à l’heure.

Cette doctrine se dégage d’une manière suffisamment claire des textes des Pères grecs. Le point qui dans la tradition orientale est enveloppé, au moins au premier abord, de quelque obscurité, est celui du moment précis où s’opère le changement du pain et du vin au corps et au sang du Seigneur. Est-ce lorsque le prêtre répète sur les oblats les paroles dominicales : Ceci est mon corps ; Ceci est mon sang ; ou bien lorsqu’il demande, après ces paroles, soit à Jésus-Christ lui-