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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.2.djvu/15

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MESSE EN ORIENT, DU IVe AU I X* SIÈCLE


même, comme c’est le cas dans quelques formules égyptiennes, soit au Père, par l’intervention du Saint-Esprit, comme c’est le cas le plus fréquent et celui en particulier, du rite byzantin, d’opérer le changement ? La question a été étudiée longuement dans ce Dictionnaire à l’article Épiclèse eucharistique, t. v, col. 232 sq., et nous n’avons pas à répéter ici ce qui a été dit. Qu’il nous suffise de faire remarquer que les Pères grecs, au moins jusqu'à la controverse iconoclaste, ne paraissent pas s'écarter de la doctrine si explicite de saint Jean Ghrysostome dans le texte cité plus haut de la I" homélie sur la trahison de Judas, P. G., t. xux. col. 380, et dans plusieurs autres passages de ses écrits. Si beaucoup d’entre eux attribuent le changement au Saint-Esprit en faisant même allusion à la prière de la liturgie ; si quelques autres, comme Hésychius, rappellent à ce propos, la prière adressée au Christ, au lieu de mentionner les paroles dominicales (cf. In Levit., a, c. viii, P. G., t. xciii, col. 886 D : Nisi Christas, rogatus ore sacerdotum, ipse venerit et cœnam sanctificavcrit, ea quæ aguntur nullatenus sacrificium dominicum ftunt), il ne s’en suit pas nécessairement qu’ils s’opposent à l’enseignement de la Bouche d’or ; car celui-ci aussi attribue souvent la transsubstantiation à la descente et à l’opération du Saint-Esprit.

Ces affirmations, à première vue divergentes, posent un problème délicat à résoudre ; mais la conciliation n’est pas impossible. A vrai dire, les Pères grecs jusqu'à saint Jean Damascène, ne semblent pas s'être doutés de la difficulté qui a occupé les théologiens postérieurs, surtout à partir de l'époque où a commencé la controverse entre Grecs et Latins sur la forme de l’eucharistie. Pour eux, le moment central du sacrifice est l’anaphore ou canon ; et l’acte du sacrifice est considéré comme achevé et consommé, lorsque la participation des trois personnes divines au changement des oblats a été exprimée par les prières de l'Église, c’est-à-dire, en fait, après la prière qu’on est convenu d’appeler Vépiclèse. Mais dans leur pensée le rôle principal dans cet acte (si l’on peut s’exprimer ainsi), revient à Jésus, Pontife et victime du sacrifice, et la transsubstantiation s’accomplit réellement, lorsque le prêtre répète ce que fit et dit Jésus, à la dernière cène. C’est ce qui est supposé par l’affirmation courante que Jésus est le prêtre principal, qui continue à se sacrifier lui-même par le ministère des prêtres visibles comme il se sacrifia au cénacle. C’est ce que proclame, dès le v 8 siècle au moins, la liturgie byzantine de saint Basile : Zù si ô 7tpoa9spo>v xal ; xpoa<p£p6|i.svoç, Tu es celui qui offre et qui est offert. Donnons quelques références.

Dans le fragment d’un discours de saint Athanase aux nouveaux baptisés, qui nous a été conservé par Eutychius, patriarche de Constantinople, dans son sermon De paschate, P. G., t. i.xxxvi b, col. 2101 AB (cf. t. xxvi, col. 1325 A), il est dit : « Tu verras les lévites portant les pains et la coupe de vin et les plaçant sur l’autel, ttjv xpoOTeÇav ; et tant que les prières et les demandes ne sont pas faites, le pain et le calice restent ce qu’ils sont. Mais lorsque les grandes et admirables prières ont été achevées, sic'âv 8s È7UTsXîa0côcri.v al [xeyàXai xai Oxu|i.aaTxi zbynxl, alors le pain devient le corps, et le calice le sang de Notre-Seigneur JésusChrist. » Un peu plus loin, le saint docteur répète à peu près les mêmes paroles, en les introduisant par les mots : « "EâOwjasv ènl tï)v TeXsîwaiv tcôv (i.uaTY)pîcov, Venons-en à la consommation, c’est-à-dire à la consécration, ; i l’accomplissement des saints mystères. »

Saint Cyrille de Jérusalem, de son côté, écrit, Catech. mijst., iv, 7, /'. G., t. xxxiii, col. 1072 AB : « Le pain et le vin de l’eucharistie, avant la sainte invocation de l’adorable Trinité, 7Cpo tîjç àyÊocç èmxAY)ascoç ty)ç

7rpocwjv7)T7j< ; TpiàSoç, sont du pain et du vin ordinaires ; mais cette invocation faite, le pain devient le corps du Christ, et le vin son sang. « Qu’est-ce que cette invocation de la Trinité dont il parle, sinon les grandes et admirables prières nommées par saint Athanase, c’est-à-dire l’anaphore de la messe, à partir de la préface jusqu’après la demande du changement par le prêtre ? Ce passage de saint Cyrille peut servir à en interpréter un autre, qui se lit Catech. myst., v, 5-8, P. G., ibid., col. 1113-1116, où le saint docteur rappelle justement l’anaphore de la messe hiérosolymitaine au ive siècle, et paraît n’attribuer le changement qu'à la seule prière par laquelle le prêtre demande à Dieu d’envoyer son Saint-Esprit pour opérer la transsubstantiation. Mais, dans cette prière, l’intervention du Fils, de celui qui est le prêtre, n’est pas mentionnée. Cyrille a même passé sous silence le récit de la dernière cène avec les paroles de Jésus. Elles se trouvaient cependant dans la messe de Jérusalem. Faut-il en conclure que l'évêque de Jérusalem ne leur attribuait aucune efficacité ? Nullement, mais la mention de l'épiclèse du Saint Esprit est donnée comme un terminus ad quem, après lequel, l’invocation de la sainte Trinité étant achevée, le changement est opéré et le sacrifice consommé. C’est ce qu’il dit en propres termes : « Ensuite, après que ce sacrifice spirituel, ce culte non sanglant a été parfaitement accompli, (isxà tô à7TapnaOYJvxi. vrçv rcvs’J[i.aT'.x7)v Oueuav t^v àvaî(xaxTov XxTpsîav, nous invoquons Dieu sur cette hostie de propitiation, èrà ttjç Ouaîccç sxsÎvyjç toû îXaofioij, pour la commune paix de l'Église. »

Très suggestives aussi et allant au même but sont les paroles de saint Basile dans le De Spiritu Sancto, c. xxvii, 66, P. G., t. xxxii, col. 188 : « Les paroles de l’invocation, tx T7)ç STUxXïjastoç prjuxTX, dans la consécration, ètù t5j àvxSeî^st., du pain eucharistique et de la coupe de bénédiction, qui donc d’entre les saints nous les a laissées par écrit ? Car nous ne nous contentons pas de ce que rapporte l’Apôtre ou l'Évangile, mais nous disons, avant et après, d’autres choses, auxquelles nous attribuons une grande efficacité pour le mystère, ù>ç |i.syàXY]v s/ovtoc npbq tô [i.oaT/jpt.ov t/)v ïcr^'iv. » Mais si ces autres paroles qui précèdent et suivent le récit de l’institution ont une grande efficacité, à plus forte raison sont importantes les paroles mêmes du Seigneur répétées par le prêtre. Saint Basile insinue ici discrètement la même doctrine que saint Jean Chrysostome sur les paroles dominicales, en même temps qu’il s’accorde avec les autres Pères pour voir le point central et essentiel du sacrifice dans l’anaphore de la messe, depuis la préface jusqu’après l'épiclèse du Saint-Esprit.

Même enseignement, mais avec plus de précision pour l’efficacité immédiate et fondamentale des paroles du Seigneur, dans saint Grégoire de Nysse, Oratio catech., 37, P. G., t. xlv, col. 97. C’est sans nul doute aussi plus aux paroles du Seigneur qu'à celles de l'épiclèse que songe saint Grégoire de Naziauze, quand il écrit à son ami Amphiloque, Epist., lxxv, P. G., t. xxxvii, col. 280-281 : « Ne néglige pas de prier et d’intercéder pour nous, lorsque par la parole tu fais descendre le Verbe, lorsque par une section non sanglante, tu divises le corps et le sang du Seigneur, ayant

ta voix pour glaive, otocv àvai(i.àxT

vr)v e)((i)v to Çôcpoç, expression particulièrement remarquable pour indiquer l’immolation mystique et symbolique du sacrifice de la messe en relation avec l’immolation sanglante du Calvaire. Il faut en dire autant de saint Cyrille d’Alexandrie, là où il affirme « que les oblations offertes dans les églises sont sanctifiées et bénies et consacrées par le Christ, Taç sv Tatç sxxXv ; cHat.ç Scopocpoptaç àyiàse aOai 7uaTeûou.ev xal sûXoysîaOai xal