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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.2.djvu/259

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JSI I

MIRACLE, POSSIBILITÉ

1812

des Wunders, dans Philosophisches Jahrbuch, Fulda, 1897, p. 120 ; Van Weddingen, op. cit., p. 121, 140. Le fait sensible se retrouve dans la définition que, donnent du miracle la plupart des auteurs de manuels théologiques, Mazzella, Pesch, Tanquerey, Hervé, Hcrmann, Van Noort. etc. On comprend sans difficulté cette position doctrinale ; exposant le texte dogmatique du concile du Vatican, voir col. 1800, n’avons-nous pas expliqué nous-mêmes que la sensibilité du fait miraculeux était « une condition absolument requise pour que le miracle soit une preuve extérieure, certaine et appropriée à l’intelligence de tous ? >

Les théologiens anciens ne se plaçaient pas sur le même terrain pour définir le miracle. Saint Thomas, par exemple, ne considère pas le caractère sensible comme un élément nécessaire : il ne fait jamais mention de ce caractère. D’ailleurs, des faits qui ne sont rien moins que sensibles sont dits par lui miraculeux : la transsubstantiation, l’incarnation (qu’il appelle miraculum miraculorum, In /// am Sent., dist. III, q. ii, a. 2 ; In 7V am. dist. XI, q. i, a. 3, sol. 3 ; De potentia, q. vi, a. 2, ad 9um, obj. 9, etc.), la conception et l’enfantement virginal du Christ ; la création de l’âme humaine et la justification dans les cas où elles seraient produites hors des règles ordinaires. In II am Sent., dist. XVIII, q. i, a. 3, ad 2um.

C’est que saint Thomas reconnaît deux espèces de miracles : les uns, cachés, auxquels seule la foi peut atteindre, les autres, manifestes, qui peuvent faire partie d’une construction apologétique : Miraculorum Dei quwdam sunt de quibus est fûtes, sicut miraculnm virginei partus et resurrectionis Domini, et etiam sacramenti altaris… ; qumlam vero miracula sunt ad fulei comprobationem, et isla debent esse manifesta. Sum. theol., IIP, q. xxix, a. 1, ad 2um. « En d’autres termes, conclut M. Van Hove, op. cit., p. 25, les miracles peuvent être des faits sensibles et peuvent ne pas l’être. Autre chose est qu’un fait soit en lui-même un miracle, autre chose qu’il soit pour nous discernable soit comme fait, soit connue fait surnaturel. Qu’un fait puisse ou non être perçu par les sens, sa nature intime n’en est pas changée. » Cf. L. Bremond, La vraie notion du miracle, dans la Revue des sciences ecclésiastiques, Lille, 1901, p. 289 ; Van der Heeren, Mirakel of Providentieel jeil, dans Ons Geloof, Anvers, 1922, p. 446 ; J. V. Bainvel, Nature et surnaturel, 3° édit., Paris, 1905, p. 297 ; R. Garrigou-Lagrangc, op. cit., t. ii, p. 43-44. Les auteurs contemporains traitent du miracle dans la théologie fondamentale, comme preuve de la crédibilité de la révélation’. à ce titre, tout comme le concile du Vatican, ils ne peuvent qu’exiger le caractère sensible dans le miracle, signe de la vérité.

Il serait d’ailleurs exagéré de requérir le caractère sensible dans le miracle du seul fait que le miracle excite l’élomiement. C’est la thèse de A. de Poulpiquet, Le miracle et ses suppléances, p. 153 ; de V. Frins, art. cit., p. 389 ; de G. Mattiussi, Conoscibilità del miracolo, dans La Scuola cattolica, Milan, 1908. p. 436. L’étonnement, d’après saint Thomas, ne fait pas nécessairement suite à une perception sensible : il suppose une exception à une loi connue ou connaissable ; mais la connaissance de cette loi peut avoir lieu aussi bien par la foi que par l’expérience.

5. Toute intervention immédiate de Dieu dans l’ordre du monde est-elle un miracle ? —

C’est là une dernière précision apportée par les théologiens à la doctrine du miracle. Nous avons vii, en effet, d’anciens théologiens hésiter sur ce point et se demander si la créalion, la création des Ames en particulier, la justification du pécheur, et, en général, toutes les œuvres appartenant à l’économie de la vie surnaturelle de l’Ame, œuvres qui supposent une intervention immédiate de Dieu dans l’ordre du monde, ne constituent pas des miracles. Depuis saint Thomas, la controverse n’existe plus. Comme on l’a dit, le Docteur angélique élimine du catalogue des miracles ces faits transcendants conformes au cours habituel ou à la tendance des choses ; voir col. 1806. La raison dernière en est que l’intervention immédiate de Dieu, dans les faits transcendants qu’on vient d’énumérer, est postulée par une loi d’ordre naturel ou surnaturel, établie par Dieu comme constituant l’ordre de la nature créée. Par conséquent, postulés par l’ordre établi de Dieu et connu comme tel pour nous, ces faits ne sauraient constituer « le fait produit par Dieu en dehors de l’ordre habituel de toute la nature créée », lequel seul peut être appelé miracle. Cf. Salmaticenses, Cursus theologius, tract, xv, disp. IV, dub. iv, n. 54-55.

6. Conclusion. Définition du miracle. —

En tenant compte des données et des remarques qui précèdent, on peut définir le miracle : « un fait, produit par une intervention spéciale de Dieu dans le monde, pour une fin religieuse, en dehors de l’ordre habituel où se manifeste l’activité de toute la nature créée. »

C’est, disons-nous d’abord, un fait, et non une doctrine ; et, par là, nous distinguons le miracle d’ordre physique, le seul dont nous nous occupions présentement, du miracle d’ordre intellectuel ou moral. C’est un fait produit par une intervention immédiate de Dieu, Dieu agissant ici comme cause unique ou tout au moins comme cause principale : ce qui laisse la possibilité, dans la production du miracle, de l’intervention d’une cause instrumentale subordonnée à l’activité divine. C’est un fait produit dans le monde, c’est-à-dire dans telles circonstances de lieu et de temps qui mettent le miracle en rapport avec l’homme, en raison précisément de la fin religieuse à laquelle le miracle est ordonné. C’est un fait produit en dehors de l’ordre habituel où se mnnifesle l’activité de la nature : en dehors, non pas contre cet ordre, et non pas en dehors de l’ordre de la Providence, car le miracle dépend de la puissance divine qui, même lorsqu’elle agit d’une manière extraordinaire, est toujours réglée par la sagesse infinie ; cf. Sum. theol., L 1, q. xxv, a. 5, ad lum. Nous disons de plus : de toute la nature créée, non seulement en dehors de l’ordre d’une activité naturelle particulière. Il s’agit d’activité, et non d’être, car si l’effet miraculeux dépasse quant à sa cause efficiente toutes les forces créées, il ne dépasse pas nécessairement en son être les natures créées. Seul, l’ordre de la grâce, réalisé par le miracle, dépasse l’ordre de la nature créée ; la résurrection d’un mort, par exemple, restituant d’une manière surnaturelle la vie au corps, ne lui restitue cependant qu’une vie naturelle.

Ainsi, par cette notion du miracle, nous le distinguons :
1° des faits naturels même extraordinaire ; , événements fortuits relativement aux causes secondes, mais non par rapport à la Providence qui gouverne toutes choses ;
2° cDs prestiges diaboliques, qni ne so.il que d îs simulacres de miracles ;
3° des faits ou effets divins ordinaires de l’ordre naturel ou surnaturel, tels que la conservation des choses en leur être, le gouvernement divin, la création quotidienne des âmes, la justification ds l’impie, l’augmentation de. la grâce et des vertus dans l’âme ;
4° des faits OU effets ordinaires dits providentiels, par lesquels se manifeste la Providence, par exemple, quand Dieu exauce nos prières.


II. Possibilité.

Au nom de la définition Vatican, les théologiens enseignent que la possibilité du miracle est une vérité au moins proche de la foi.

I. LA NEGATION DE LA POSSIBILITÉ DU MIRACLE

1° Au nom des sciences positives. Cette négation a son fondement dans le naturalisme scientifique. « Le natu-