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MODERNISME, FIN DE LA CRISE


rum untistitiim », à la date du 1°" septembre 1910.

1. Objet.

Un bref exposé de la situation religieuse

faisait connaître les motifs propres à justifier un surcroît de précautions. Le pape y déplorait la persistance du modernisme dans l’Eglise et son organisation « en une ligue clandestine », dont les adeptes s’efforçaient d’infuser… dans les veines de la société chrétienne le venin de leurs opinions « en publiant des livres et des journaux sans nom d’auteur ou sous des noms mensongers ». Propagande due à des prêtres, « qui abusent de leur ministère pour tendre aux imprudents un hameçon revêtu d’une pâture empoisonnée », et qui sévissait en particulier « dans cette partie du champ divin dont il y avait lieu d’attendre les fruits les plus abondants », c’est-à-dire, sans nul doute, auprès des jeunes clercs.

Pour remédier à cette recrudescence du mal, le pape rappelait d’abord aux évêques les dispositions édictées par l’encyclique Pasccndi. A quoi il ajoutait en premier lieu quelques règles nouvelles sur la discipline des séminaires. On y devait développer la science, mais selon l’esprit de l’Église. C’est pourquoi tous les journaux et revues en seraient éliminés. Afin de parer au péril du modernisme, les professeurs seraient tenus de soumettre d’avance à leurs Ordinaires le texte de leur cours, ou les thèses qu’ils se proposaient de soutenir et leur enseignement serait rigoureusement contrôlé.

Mais ces menues ordonnances n’étaient qu’un prélude : le /j ! o/(i proprio se terminait par la création d’un serment spécial contre le modernisme. Une première partie imposait d’accepter la « démonstration » rationnelle de l’existence de Dieu, la valeur probante des motifs de crédibilité, l’institution de l’Église par le Christ au cours de sa carrière terrestre, l’immutabilité des dogmes, le caractère intellectuel de la foi. Les principes émis au concile du Vatican y étaient repris et appliqués aux erreurs du jour. Dans la deuxième partie, le serment se référait spécialement aux actes de Pie X contre le modernisme. A rencontre de ceux qui voudraient mettre le dogme en opposition avec l’histoire et dédoubler, en conséquence, le catholique instruit en deux personnages : le croyant et le critique, il intimait l’obligation d’interpréter l’Écriture ainsi que les Pères, à la lumière des enseignements de l’Église et de respecter le caractère divin de la tradition.

Ce serment devait être prêté et signé une première fois par tous les prêtres ayant charge d’âmes. Dans la suite, il serait imposé de même à tous les clercs avant de recevoir les ordres sacrés, à tous les professeurs au début de leur enseignement, à tous les cures, dignitaires ecclésiastiques ou supérieurs religieux au moment de leur entrée en fondions.

2. Résultats. - Un peu partout ce motu proprio servit de prétexte à une nouvelle agitation. Tandis que l’opinion profane s’élevait contre cette nouvelle entreprise des pouvoirs ecclésiastiques sur la liberté de ses sujets, les modernistes criaient à l’oppression des consciences, à l’asservissement du travail scientifique, et s’efforçaient de créer un mouvement d’opposition contre le serment prescrit.

lui France, une lettre anonyme fut communiquée à la presse, comme émanant d’un groupe de prêtres, où l’on préconisait la soumission extérieure et le silence respectueux, (leste vain qui déguisait une capitulalion. 1.’altitude des journaux modernistes italiens fut a peu près semblable. En Angleterre, il y eut au moins une révolte publique : celle de Miss l’être, la confidente et l’héritière de G, Tyrrell, que soutenait en la circonstance la fidèle sympathie de Fr. von Eiligel. oir Selecled irttrrs, p. 182-183. Une Ici Ire publique .in limes, en date du 2 novembre 1010, donnait les

motifs de ce refus, mais ne semble pas avoir trouvé beaucoup d’échos.

C’est en Allemagne que se produisit la tempête la plus grave. Le Neuc Jahrhundert menait une vive campagne contre la soumission et, pour venir en aide aux réfractaires, ouvrait une souscription qui atteignit 25 000 Mk. Deux prêtres, Th. Engert et Fr. W’ieland, se distinguèrent par des brochures particulièrement enflammées. Les universitaires protestants s’indignaient de la servitude infligée par l’Église à son corps professoral, et leurs collègues catholiques ne laissaient pas de redouter une certaine diminutio capitis. Il n’est pas jusqu’aux chefs de gouvernement qui ne fussent assaillis d’interpellations sur cet empiétement de l’autorité ecclésiastique. Documents dans M. Erzberger, Der Modernisteneid, Berlin, 1911, et O. Frank, Deutschlund und die Modernistenbeivegung, Wiesbaden, 1911.

A cet accès de germanisme les catholiques répondirent par des brochures apologétiques, où le serment était remis sous son vrai jour. Les chancelleries sollicitées d’intervenir eurent le bon sens de ne pas vouloir greffer un incident diplomatique sur une question de pure discipline religieuse. Entre temps, à la demande des évêques allemands, le pape finit par accorder, par lettres du 31 décembre 1910 et 13 février 1911, dispense du serment aux professeurs qui n’exerceraient par ailleurs aucun ministère spirituel. Beaucoup profitèrent de cette autorisation, tandis que d’autres, immédiatement ou à la longue, préféraient s’astreindre au droit commun.

Toute cette agitation fut d’ailleurs aussi stérile qu’elle avait été bruyante. Deux douzaines de prêtres tout au plus refusèrent le serment, dont quelques-uns pour passer au service de la Réforme ou du vieuxcatholicisme. Il y en eut à peine autant dans le reste de l’Église. Dans l’ensemble, le clergé catholique se prêta de bon cœur ou se soumit avec courage à l’acte officiel de loyalisme qui lui était demandé.

Derniers épisodes.

 Avec le motu proprio du

1 er septembre 1910 s’achève l’histoire extérieure du modernisme.

En effet, les plus intéressés s’accordent à reconnaître que le mouvement était dès lors bien fini. < Un coup d’reil jeté sur la catholicité, en 1911, huit ans après l’avènement de Pie X, a écrit A. Houtin, Histoire du modernisme catholique, p. 385, suffisait pour constater que le souverain pontife y avait presque entièrement rétabli l’ordre théologique. Presque partout il avait réussi à écraser les novateurs. » Les quelques îlots de résistance qui pouvaient encore motiver ces légères restrictions n’allaient pas tarder à disparaître à leur tour, puisque la Revue moderniste internationale achevait de s’éteindre en juin 1912, et que le Neuc Jahrhundert lui-même décidait d’abdiquer son modernisme, au demeurant très spécial, à la fin de 1911.

Aussi bien les derniers actes de Pie X qui parurent encore, directement ou indirectement, viser le modernisme n’avaient-ils plus qu’un caractère rétrospectif. Les plus remarqués furent la mise à l’Index qui atteignit, le 22 janvier 1912, Y Histoire ancienne de l’Église par L. Duchesne, et celle qui vint frapper, le 5 mai 1913, la collection fout entière des Annales de philosophie chrétienne depuis 1905.

Celte liquidation se prolongea davantage en Italie, où l’on parut craindre parfois quelque réveil de l’incendie mal éteint. Diverses revues où le modernisme S’essayait à renaître furent successivement condamnées : savoir, le 26 mai 1916, la Rii’istu di scienza délie rrlii/inni, qui venait de naître l’année même ; puis, le 12 janvier 1921, Religlo de N. Turchi, ainsi que la Rivista trimestrielle di studi fllosoftct t religiosi, dirigée par A. Bonucci. Toutes ces feuilles étaient plus ou