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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.2.djvu/451

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MONARCHIANISME, ORIGINES


Jésus-Christ, ne voyaient en lui qu’un homme ordinaire devenu par le simple effet d’une adoption le Fils de Dieu. Il est vrai que ces derniers en venaient à rejeter la Trinité puisque, d’après eux, le Père seul était Dieu par nature ; mais, comme le fait remarquer justement J. Tixcront, La théologie anlénicéenne, 9e édit., p. 349, « on ne voit nulle part que Théodote et Artémon aient été amenés à nier la divinité du Christ par le désir de sauvegarder l’unité, la monarchie divine. Cette monarchie stricte résultait sans doute de leur système, mais elle n’en a pas été la raison d’être, et c’est pourquoi le nom de monarchianisme ne lui convient pas ». Dans ce qui suit, nous ne nous occuperons’donc pas de ceux qui partaient d’une erreur christologique pour conclure en faveur de la monarchie divine, mais seulement de ceux en qui leurs contemporains ont vu des monarchiens, c’est-à-dire de ceux qui commençaient par repousser le dogme trinitaire, sous prétexte de sauvegarder l’unité de Dieu.

C’est en Asie semble-t-il, que le monarchianisme prit naissance, dans les derniers dccennia du second siècle. Il est remarquable que saint Irénée, si bien renseigné pourtant sur les affaires asiatiques, ne le mentionne pas, et sans doute on peut conclure de ce silence que son apparition est postérieure à la venue d’Irénée en Occident, sinon même à la rédaction du Contra heereses. Le premier, à notre connaissance, qui ait expressément enseigné les doctrines monarchiennes est un certain Noët qui prêchait à Smyrne entre 180 et 200.

Sur ce personnage, nous sommes surtout renseignés par saint Hippolyte : nous possédons en effet de cet écrivain un long fragment, intitulé d’après le manuscrit du xme siècle qui le renferme Homélie contre l’hérésie de Noët, et qui, en réalité, appartenait originairement à un ouvrage beaucoup plus considérable, peut-être au Syntagma, dont il formait la section finale. Quelques données fournies par les Philosophoumena complètent PAntinoët. Au témoignage de saint Hippolyte, il faut ajouter celui de saint Épiphane, qui a consacré à Noët toute l’hérésie lvii : Épiphane dépend exclusivement, pour son information, de saint Hippolyte, dont, parfois, il donne une transcription à peu près littérale ; il n’en est pas moins précieux à consulter à cause des corrections, parfois heureuses, qu’il permet d’apporter au texte d’Hippolyte.

Noët prétendait donc ne reconnaître qu’un seul Dieu, le Père. Il ajoutait que c’était le Père qui était né, qui avait souffert, qui était mort. Et à ceux qui l’accusaient, il répondait fièrement : < fi ouv xaxov TC7roiY)xa cm è’voc Osôv So^à^w eva Osôv £7ÛaTa[i.oc(. xod oùx aXXov 7r>./)v aÙToG yevvïjOévTa, 7ï£7TovG6Ta, ài : oOavovtoc. » Épiphane, Hæres., lvii, 1, 7, édit. Holl, t. ii, p. 344. (Sur les raisons qui font ici préférer le texte d’Épiphane à celui d’Hippolyte, Contra Noct., 1, P. G., t.x, col. 803, voir B. Capelle, Le cas du pape Zéphyrin, dans Revue bénédictine, octobre 192(5, p. 321-327). Si le Christ est Dieu, concluait Noët, il est sûrement le Père : autrement il ne serait pas Dieu, et si le Christ a souffert. Dieu a souffert, car il est unique. Contra Noël., 2, P. G., t. x, col. 805. Cette théorie s’appuyait sur des arguments scripturaires, en particulier sur les textes suivants : Ex., ni, 6 ; xx, 2 ; Is., xliv, (> ; i.xv, 5 et 14 ; Baruch, ni, 36 ; Joa., x, 30 ; xiv, 8 ; Rom., ix, 5. Les textes empruntés à l’évangile de saint Jean n’étaient donc pas absents de l’arsenal de Noët, mais ils ne devaient prouver que l’unité de Dieu ; car l’hérésiarque rejetait la doctrine

  • 1 ii Logos, ou, plus exactement, il déclarait que le prologue

du quatrième Évangile, comme bien d’autres passages de ce livre, devait être interprété au sens allégorique. Contra Noël., 15, P. G., t. x, col. 821-824. Ceux qui refusaient d’admettre la doctrine de Noët

étaient accusés de dithéisme, Contra Noet., Il et 14° P. G., t. x, col. 817 et 821 ; Philosoph., IX, xi, édit. Wendland, p. 245-246. Sans doute, une telle doctrine sauvegardait la pleine et parfaite divinité du Christ, ce à quoi tenait essentiellement son prédicateur, Contra Noet., 1 et 9, col. 804, et 816-817, mais elle n’atteignait ce résultat qu’en sacrifiant la distinction personnelle du Père et du Fils, et en faisant d’eux les aspects divers d’une même personne.

L’enseignement de Noët était trop évidemment contraire à la tradition chrétienne pour ne pas appeler des résistances. Il n’est pas impossible que Noët ait lui-même occupé une haute situation dans l’Église, peut-être qu’il ait été évêque. C. H. Turner, The blessed presbyters who condemned Noetus, dans Journal of theological studies, 1921-1922, t. xxiii, p. 28-35. En tout cas, saint Hippolyte nous apprend que les « bienheureux presbytres », émus par les prédications de Noët, le firent comparaître devant eux : s’agit-il d’une simple assemblée du presbytérium de Smyrne, ou, comme l’a supposé C. H. Turner, loc. cit., d’un véritable concile qui aurait réuni les évêques des cités voisines ? on ne saurait le dire. Noët cependant parvint à se disculper, et reprit le cours de son enseignement ; il parvint à grouper autour de lui quelques disciples ; si bien que les presbytres se réunirent de nouveau et examinèrent avec une attention accrue les doctrines de Noët. Celui-ci essaya en vain de se disculper. A sa profession de foi, les presbytres opposèrent une formule qui exprimait la croyance catholique : « Nous aussi nous honorons un seul Dieu, mais que nous savons justement honorer ; et nous tenons un seul Christ, mais comme nous savons un seul Christ, fils de Dieu, ayant souffert comme il a souffert, étant mort comme il est mort, étant ressuscité, étant monté au ciel, étant à la droite du Père, venant juger les vivants et les morts. Ce que nous savons, nous disons l’avoir appris des Écritures divines. » Épiphane, Hæres., lvii, 1, édit. Holl, p. 344. Et conséquemment ils chassèrent Noët de l’Église.

La condamnation de Noët peut se placer aux environs de l’an 200 : lorsque, vers 210-215, saint Hippolyte rédigea son Anlinoët, les événements de Smyrne appartenaient au passé, mais à un passé encore assez proche, Contra Noet., 1, P. G., t. x, col. 804 ; et, d’autre part, le monarchianisme, propagé à Rome par les disciples de Noët, avait eu le temps, dans l’intervalle, d’agiter profondément les esprits. La décision des presbytres de Smyrne fut immédiatement connue à Rome, A. von Harnack, Die Brie/sammlung des Apostels Paulus, Leipzig, 1926, p. 80. Il est même possible que les actes de l’assemblée aient été communiqués au pape, et que ces actes aient servi à saint Hippolyte pour composer sa réfutation de l’hérésiarque.

Nous ne savons rien du sort de Noët après sa condamnation. Mais sa doctrine fut apportée à Rome par un de ses disciples, Épigone. Hippolyte, Philosoph., IX, vii, édit. Wendland, p. 240. Suivant les vraisemblances, la venue d’Épigone en Occident est de peu postérieure aux événements de Smyrne : « peut-être avait-il quitté cette ville lorsque la situation des noétiens y était devenue critique. » B. Capelle, loc, cit., p. 327.

IL Les thkowks monarchiennes a Rome. — Lorsque Épigone arriva a Rome, pour y enseigner les doctrines monarchiennnes qu’il avait reçues de Noët, il y trouva, semble-t-il, le terrain déjà préparé pu la prédication d’un prédécesseur, venu lui aussi d’Asie, et qui s’appelait l’raxéas.

Praxéas est un des personnages les plus mystérieux de l’ancienne histoire du christianisme. Tertullien, qui a consacré un traité entier à la réfutation de son erreur, est le seul auteur contemporain des faits à parler de