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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.2.djvu/484

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MONOPHYSITE (EGLISE COPTE). ORGANISATION


les Coptes, tout patriarche a mené la vie monastique, au moins, à partir de son ordination. Dans le passé, la plupart des patriarches ont été choisis parmi les moines du couvent de Saint-Macaire situé dans le Wadi Habib (= Scété, région de Nitrie). Plus récemment, c’est le couvent de Saint-Antoine, dans le désert oriental, qui a eu le privilège de donner l’élu ; 9° n’avoir jamais versé le sang, même le sang des animaux ; 10° être orné des vertus sacerdotales énumérées par saint Paul dans les épîtres à Timothée et à Tite ; 11° n’être pas évêque. Le droit copte, en effet, n’admet pas la translation des évoques d’un siège à un autre. Cette règle a été strictement observée. Les exceptions ont été fort rares, et l’on n’en connaît point avant le patriarcat de Cyrille Ibn el-Laqlaq (1235-1243). Tout récemment, cette règle a été violée par l’élection du métropolite de la région alexandiine, Amba Johannès, successeur de Cyrille V sous le nom de Jean XIX, qui a pris possession de son siège, le 16 décembre 1928 ; 12° parvenir au patriarcat non par la faveur ou les intrigues du pouvoir séculier, mais par la voie canonique : loi qui est restée souvent lettre morte, surtout sous la domination turque, moins souvent cependant qu’on pourrait le supposer, car il a toujours été fort difficile, même à des princes ou à des magistrats infidèles, d’imposer un candidat contre la volonté du clergé et du peuple ; 13° être attaché à la foi orthodoxe, c’est-à-dire à la doctrine de l’Église monophysite et être, sous ce rapport, à l’abri de tout soupçon. On faisait autrefois une attention particulière à ce point, et ce n’était point précaution inutile, vu le grand nombre de sectes qui existaient dans le pays, et la facilité avec laquelle l’hérésie pénétrait dans les monastères. Même après son élection, le nouveau patriarche était interrogé sur la théologie avant d’être consacré, et il devait réciter une profession de foi au cours même de la cérémonie d’ordination. Cf. Renaudot, op. cit., p. 376-385.

Le mode d’élection du patriarche a quelque peu varié au cours des siècles. Mais il est toujours resté conforme, dans les grandes lignes, au mode traditionnel : c’est-à-dire qu’il s’est toujours fait par les évêques avec la participation du clergé séculier et régulier, et du peuple représenté par des notables. On a parfois recouru au sort, quand on n’arrivait pas à s’entendre, et dans ce cas, le procédé était assez curieux. Voir Renaudot, ibid., p. 373-374. Dans la pratique, l’élection n’était viable que lorsque évêques, clergé et représentants du peuple s’accordaient sur un même candidat. L’opposition des évêques neutralisait le choix du peuple, et vice versa. De là parfois de longues vacances du siège par suite de la mésentente entre les groupes électeurs. C’est ainsi qu’après la mort du patriarche Jean VI (1216), le siège resta vacant jusqu’en 1235. Lorsqu’à partir du xie siècle les patriarches eurent fixé leur résidence habituelle au Caire, les représentants du peuple, devant participer à l’élection, étaient alternativement des notables d’Alexandrie et des notables du Caire. Le lieu de l’élection était aussi alternativement l’une des deux villes, à moins qu’on ne se réunît au couvent de Saint-Macaire, qui fournissait si souvent l’élu. Peu à peu, cependant, le droit et l’influence des Alexandrins diminuèrent. L’assemblée élective ne se réunit plus qu’au Caire. Dans ce cas, la cérémonie d’ordination avait toujours lieu, dans les premiers temps, à Alexandrie. Mais ce privilège même disparut bientôt. L’ordination se fit toujours au Caire. Il ne resta bientôt plus aux Alexandrins que le droit exclusif de signer l’acte d’élection. La coutume veut cependant que la proclamation et l’intronisation de l’élu aient lieu à Alexandrie. Les habitants d’Alexandrie se réservèrent aussi le droit, avant de recevoir leur patriarche, de

lui poser certaines conditions, ainsi qu’aux habitants du Caire, pour sauvegarder soit leurs intérêts particuliers, soit les intérêts généraux de l’Église copte. L’objet de ces petits concordats entre le pasteur et les ouailles était, par exemple, une rente annuelle à payer au clergé alexandrin, une réforme à faire pour supprimer un abus trop criant. C’est ainsi que souvent, dans ces conventions, on demanda au nouvel élu de sévir contre la simonie. L’habitude des tractations de ce genre ne s’est pas perdue. A Jean XIX, qui a été élu en décembre 1928, on a fait promettre d’entreprendre la réforme intérieure de l’Église et l’élaboration d’un règlement organique.

Il va sans dire qu’à toutes les époques, l’élection du patriarche n’a pu se faire sans l’autorisation du pouvoir civil, qui bien souvent s’est mêlé de faire passer ses créatures, c’est-à-dire les ambitieux offrant le plus fort bakchich. La confirmation de l’élection par le gouvernement a toujours été également de règle.

La coutume bizarre d’enchaîner le patriarche élu et de ne le délier qu’à la cérémonie d’ordination a été observée pendant de longs siècles. Les canonistes eux-mêmes la signalent. Cette précaution prise contre l’humilité ennemie de l’honneur a pu quelquefois n’être pas inutile à l’égard de tel moine possédé du désir sincère de se dérober. Mais ce cas n’a été que trop rare en Egypte, et la cérémonie devenait grotesque à l’égard des simoniaques avérés.

D’après le droit depuis longtemps reçu, l’ordination du patriarche réclame la présence de douze évêques, vestige, semble-t-il, de l’ancien presbyterium alexandrin de douze membres dont parlent certains’écrivains des premiers siècles. Le rite essentiel de l’ordination est le même que celui de l’ordination d’un simple évêque. Comme nous l’avons dit, en effet, le patriarche est régulièrement choisi en dehors du corps épiscopal, et parmi les moines. Si le moine élu n’est pas dans les ordres, on lui confère successivement les ordres majeurs, c’est-à-dire, le premier jour, le diaconat ; le second jour, la prêtrise : le troisième, l’ordination du kommos, c’est-à-dire l’higouménat, qui a chez les coptes comme chez les grecs, un rite spécial ; enfin, le dimanche qui suit, l’ordination épiscopale et patriarcale. Un simple prêtre reçoit l’higouménat avant l’épiscopat. Un membre du clergé séculier est fait moine par la cérémonie de la prise d’habit, et contracte par le fait même toutes les obligations de la vie religieuse : abstinence perpétuelle, office canonial, vie en commun avec les membres de sa curie. La maison patriarcale est désignée par le nom de cellule, qui rappelle à tous que le patriarche est un moine.

L’autorité du patriarche copte rappelle celle des patriarches alexandrins d’avant le schisme. Lui seul ordonne les autres évêques. C’est ainsi que, durant la longue vacance qui précéda l’élection de Cyrille Ibn Laqlaq, aucun évêque ne fut ordonné. C’est lui seul aussi qui, du moins jusqu’à ces derniers temps, a choisi les candidats à l’épiscopat, sans aucune intervention obligatoire du clergé ou du peuple. Un droit de présentation ou de recommandation a cependant été habituellement exercé par le clergé et les notables. C’est aussi au patriarche que revient le privilège de consacrer le saint chrême, le Jeudi saint. Bien que très étendu, son pouvoir n’est pas discrétionnaire. Il est réglé par les canons. Il est vrai que certains patriarches ne se sont pas fait scrupule de les violer. On en a vii, par exemple, se mêler directement de l’administration intérieure des monastères, qui, d’après le droit, sont soumis à la juridiction de l’évêque du lieu. Seul, le monastère de Saint-Macaire de Scété dépendait directement du patriarcat. Certains