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trième Évangile. Eusèbe, H. E., VI, xx. Nous connaissons quelques-uns de ses arguments par des extraits des Capila advenus Caium de saint Hippolyte.

2° Œuvres de Tertullien. — Après les documents signalés par Eusèbe, il faut citer en toute première ligne les œuvres de Tertullien, principalement celles qui remontent à la dernière période de sa vie. Aux environs de 206, le prêtre de Carthage commença à se laisser conquérir par l’austérité dont faisaient parade les adeptes de la nouvelle prophétie. Son évolution, lentement poursuivie, aboutit, vers 213, à la rupture complète avec l’Église catholique ; et les livres écrits après 206, surtout les suivants : De corona militis, De fuga in persecutione, De exhorlatione caslilatis, De virginibus velandis, De monogamia. De jejunio adversus psycliicos, De pudicitia, jettent un jour très curieux sur les exigences morales du montanisme. Sans doute, il faut tenir compte, en les lisant, de la forte personnalité de Tertullien. Le fougueux Africain n’était pas capable de se laisser emprisonner par une doctrine toute faite, et à tout ce qu’il touchait il imprimait la marque de son individualité. C’est en ce sens du moins que M. Faggiotto, La diaspora catafrigia : Tertulliano e la nuova profezia, Rome, 1923, p. 129, a eu raison de réagir contre les historiens qui voient en Tertullien un authentique représentant du montanisme primitif. Il semble par contre impossible de nier les accointances du prêtre de Carthage avec les disciples de la nouvelle prophétie, et ses œuvres, interrogées avec précaution, apportent de précieux renseignements sur la morale montaniste. Il est regrettable qu’un De exstasi en sept livres, mentionné par saint Jérôme, De vir. illuslr., 24, 40, 53, soit perdu : à en juger par son titre, cet écrit devait traiter de la prophétie, ce qui était le problème capital soulevé dans la secte.

3° Autres écrivains du IIIe siècle. — Aux autres écrivains du début du m siècle, Clément d’Alexandrie, Origène, saint Hippolyte, il ne faut pas demander grand’chose. Saint Hippolyte faisait une place aux montanistes dans son Synlagma, et l’on peut à peu près reconstituer sa notice grâce à l’accord de Pseudo-Tertullien, Hiercs., 21, de Filastrius, Hseres., 49, et de saint Épiphane, Hæres., 48 et 49 ; il leur consacre aussi deux mentions dans les Philosophoumena, VIII, xix, et X, xxv. Clément, qui signale les Phrygiens dans les Stromates, iv, 13(93, bet vii, 17 (108, bse serait peut-être occupé d’eux en détail dans un chapitre ou dans un traité Sur la prophétie, qu’il n’a peut- être j amais composé. Origène enfin se borne à quelques rapides allusions, qui suffisent tout au moins à faire connaître sa réprobation très nette de la secte. En 256, Firmilien de Césarée signale dans une lettre à saint Cyprien la condamnation portée contre les montanistes par un concile d’Iconium, vers 230 ; cf. Cyprien, Epist., lxxv.

Documents ultérieurs.

Après lui, il faut attendre

presque la fin du ive siècle pour trouver de nouveaux documents sur le montanisme. Comme il convient, saint Épiphane lui donne une large place dans son Adversus hæreses, xlviii et xux ; il ne se contente pas des renseignements qu’il doit au Synlagma de saint Hippolyte, mais il utilise d’autres ouvrages anciens, peut-être celui de Miltiade, et il signale encore des traditions qu’il a recueillies oralement de ses contemporains. Aussi sa notice, bien que tardive, est-elle très précieuse pour l’historien. Un peu plus tard, Didyme l’Aveugle, De Trinil., III, xli, s’intéresse également au montanisme qu’il décrit et réfute : peut-être est-ce à lui qu’il faut attribuer une curieuse discussion d’un orthodoxe et d’un montaniste, publiée par G. Ficker en 1905. Saint Jérôme enfin, dans la lettre xli, écrite vers 382-385, donne des indications importantes sur la hiérarchie de la secte.

Il est presque inutile de signaler ici les auteurs pos térieurs, bien qu’on puisse trouver des notices intéressantes ou des renseignements utiles dans l’Histoire ecclésiastique de Sozomène, dans le Résumé des fables hérétiques de Théodoret, etc. Finalement les lois de Justinien enlevèrent aux montanistes le droit de réunion et le droit de tester, chassèrent leur clergé de Constantinople, les privèrent de la faculté d’ester en justice : ce sont à peu près les derniers documents de valeur que l’on ait à consulter.

II. Les débuts de l’hérésie phrygienne et ses

    1. PREMIERS RAPPORTS AVEC L’OCCIDENT CHRÉTIEN##


PREMIERS RAPPORTS AVEC L’OCCIDENT CHRÉTIEN.

S’il faut ajouter foi aux données d’Eusèbe, Chronic. adann. Abrah, 2188, édit. Karst (du Corpus de Berlin), p. 222, l’hérésie montaniste aurait pris naissance en l’an 172-173 environ. Saint Épiphane, Hseres., xlviii, 1, indique, il est vrai, la xixe année du règne d’Antonin le Pieux, c’est-à-dire l’an 157, comme celle de l’apparition de la secte : sa chronologie se heurte à des difficultés trop considérables pour pouvoir être retenue.

Donc, vers 172, dans le bourg d’Ardabau en Phrygie, un certain Montan qui avait été, d’après la tradition, prêtre d’une idole, et plus probablement de Cybèle, et qui était depuis peu converti au christianisme, fut tout d’un coup saisi de transports extatiques : » Agité par l’Esprit, écrit l’anonyme antimontaniste, Montan devint soudain comme possédé et pris de fausse extase, et il se mit dans ses transports à parler, à articuler des mots étranges, et à prophétiser d’une manière contraire à la coutume traditionnelle établie héréditairement dans l’Église dès le début. » Eusèbe, H. E., V, xvi, 7. Avec lui, deux femmes, Maximilla et Priscilla, furent saisies des mêmes transports et se mirent à prophétiser.

Le phénomène attira d’abord des spectateurs, puis des fidèles. En cette terre de Phrygie, qui, de tout temps, avait été celle des cultes violents, des émotions religieuses intenses, les extases de Montan et des deux prophétesses qui l’accompagnaient trouvèrent bientôt des imitateurs. Une secte s’organisa : un certain Théodote fut chargé d’en administrer les finances : d’autres s’en firent les propagandistes, comme Thémison, « qui écrivit à l’imitation de l’apôtre une lettre catholique pour catéchiser des gens dont la foi était meilleure que la sienne ». Apollonius, dans Eusèbe, H. E., V, xvin, 5. Au bout de peu de temps, toute la région était en émoi. Les manifestations extatiques se multipliaient. Hommes et femmes quittaient à l’envi leurs villages et leurs villes pour se rendre dans la plaine située entre Pépuze et Tymion, où Montan annonçait l’imminente descente de la Jérusalem céleste. Apollonius, dans Eusèbe, H. E., V, xviii, 2.

Naturellement, les évêques catholiques s’émurent de cette propagande qui sapait leur autorité et ruinait le principe de la hiérarchie. Plusieurs essayèrent d’abord de discuter avec les sectaires, mais ils ne remportèrent pas toujours l’avantage. Zotique de Coumaneet Julien d’Apamée essayèrent vainement de se mesurer avec Maximilla, Eusèbe, H. E., V, xvi, 17 : une autre fois, Sotas d’Anchiale fut impuissant à chasser le démon de Priscilla, Eusèbe. H. E., V, xix, 3. Pour venir à bout de l’hérésie, on finit par employer d’autres moyens : ce fut à cette occasion, semble-t-il, que se rassemblèrent les premiers conciles connus, Eusèbe, H. E., V, xvi, 10 ; ils décidèrent que les novateurs seraient excommuniés. On multiplia en même temps les réfutations écrites : l’évêque d’Hiérapolis, Apollinaire, fut parmi les premiers à composer un livre contre les montanistes ; il fut suivi d’une multitude d’imitateurs.

La doctrine de Montan et de ses disciples immédiats différait à peine de l’enseignement orthodoxe. Elle prétendait même se rattacher à une tradition inin-