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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.2.djvu/585

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MORALITÉ DE L’ACTE HUMAIN


moralité, lorsque d’un acte bon en lui-même elles font un acte mauvais. Telle est du moins l’opinion communément admise. Cependant on verra plus loin (col. 2466) que certains moralistes modernes affirment qu’une fin partielle, gravement mauvaise, ne vicie pas complètement l’acte et laisse intacte sa bonté objective. La raison qu’ils apportent peut être invoquée ici, d’autant plus que la fin est une circonstance et, parmi les circonstances, celle qui influe davantage sur l’acte lui-même. Si, physiquement, il y a un seul acte, moralement il y en a plusieurs, provenant d’actes différents de volonté, susceptibles de moralités distinctes. Le religieux qui s’adonne à la prière à un moment où son supérieur lui a enjoint, sub gravi, de travailler, commet-il, au strict point de vue de la moralité, un seul acte intégralement mauvais ? Il veut une chose esscntiellemnt bonne, mais il l’accomplit en un moment qu’il sait inopportun. Cette circonstance de temps, supposée gravement mauvaise, exercerat-elle ui.e influence plus fui. este qu’une fin partielle ayant le même caractère de gravité ? Il apparaît c’.onc plutôt qu’il y ait là, question de mérite à part, deux actes moraux, l’un bon, la prière, l’autre mauvais, la désobéissance, tout comme dans le cas de la fin partielle gravement mauvaise.

A plus forte raison, si la circonstance ne comporte qu’une légère malice, la bonté morale de l’acte ne sera-t-elle pas détruite mais simplement diminuée, p. ex., la tiédeur dans la prière r.e rend pas l’acte mauvais, mais moins bon.

Enfin c’est encore en vertu du même principe qu’un acte dont l’objet est indifférent peut devenir bon ou mauvais, suivant que telle circonstance le fera convenir ou non convenir à la raison : ainsi manger avec modération sera un acte bon, manger avec excès, un acte mauvais.

Plusieurs auteurs font rentrer dans cette catégorie, non seulement les circonstances qui changent l’espèce morale de l’acte, mais encore celles qui en changent l’es] èce théologique, celles qui font d’un péché véniel un péché mortel, ou d’un péché grave un péché léger : le vol d’une obole est faute légère, ce même vol, mille fois répété et constituant matière grave, devient péché mortel ; une pensée obscène est matière grave, le défaut d’advertance ou de consentement en fait une faute légère. Cf. Prûmmer, op. cil, n. 120 ; Noldtn, De prinr, theol. mur., 6e éd., Inspruck, 1900. n. 05. Avec plus de raison, d’autres font rentrer ces circonstances qui changent l’espèce théologique du péché dans la première catégorie, parmi celles qui augmentent ou diminuent la qualité morale de l’acte. Cf. Bouquillon, op. cit., n. 370.

Pour que les circonstances excercent ainsi une influence sur la moralité de l’acte, plusieurs conditions sont requises. Il faut avant tout qu’elles aient réellement un caractère moral ; de plus, leur boulé morale doit être voulue comme telle, au moins confusément, tandis qu’il suffit que leur malice soit connue, ainsi qu’il a été dit à propos de l’objet.

III. Moralité dérivée de la fin.

1° Notions générales, - Tout être raisonnable, agissant avec délibération, se propose une fin : c’est la finis Operanlis, qu’il faut bien distinguer de la finis operis ou objet de l’acte ; La première peut coïncider avec la seconde ; elle peut aussi lui être étrangère, d’où le nom de finis extrinsecus qui lui est donné, tandis que finis intrinsecvLs s’applique à la finis operis. Je puis donner

l’aumône pour soulager le pauvre : h s deux fins sont

identiques ; mais Je puis accomplir le même acte dans des buts divers, pour expier mes péchés, par amour le Dieu. C’est de la finis operantis, ainsi entendue, llstlncte de la finis operis, qu’il s’agit ici. Elle est. en somme, une circonstance de l’acte humain, enr, mais

comme elle est la cause principale, qu’elle peut avoir une importance considérable pour sa moralité, elle doit être traitée à part.

Avant d’exposer la moralité de la fin, il importe de préciser certaines distinctions. — Fin prochaine et fin éloignée. La première est celle qui est recherchée sans le secours d’aucune autre, la seconde, celle qui est atteinte à l’aide de fins intermédiaires. — Fin dernière et fin intermédiaire. La fin dernière est voulue pour elle-même, la volonté ne recherchant rien autre que cette fin elle-même, tandis que la fin intermédiaire n’est pas voulue pour elle-même, mais pour en atteindre une autre : elle est un moyen employé pour obtenir une autre fin. La fin dernière peut être telle absolument ou relativement, la fin dernière absolue étant le terme de la série des fins, après laquelle on ne peut en rechercher d’autre, p. ex., la gloire de Dieu et la fin dernière relative, le terme d’une série déterminée d’actes, p. ex., la science, fin dernière des études ; elle sera positivement dernière, si l’on exclut toute autre fin, négativement dernière si, sans se proposer un autre but plus éloigné, on ne l’exclut pas. — Fin totale et fin partielle. La fin totale est celle qui seule nous porte à agir de telle sorte que, si elle faisait défaut, nous n’agirions pas ; la fin partielle est celle qui, avec d’autres, concourt à la production de l’acte, ces différentes fins agissant sur la volonté, avec plus ou moins de force.

2° Influence de la fin. - - 1. Principe général. La fin donne à l’acte humain une moralité. — La fin est, en effet, le motif, souvent même le seul motif, qui pousse à agir, et ce motif, provenant de la raison, est toujours en relation de conformité ou de non conformité avec la loi éternelle : il possède ainsi une moralité spéciale. Cumenim rationis sit ordinare, actus a ratione deliberata procedens, si non sit ad debilum fine m ordinatus. ex hoc ipso répugnai rationi, et habet rutioncm muli ; si vero ordinctur ad débitant fincm, convenu cum ordine rationis, unde habet rationcm boni. Necesse est autan quod vel ordinetur vel non ordinctur ad debilum fincm. S. Thomas, Ia-IIæ, q. xviii. a. 9. Noldin cependant admet la possibilité de fins in se indifférentes : Admitlendi sunt fines in se indifférentes, qui nullam aclibus moralitulem tribuunt, qui a natures rationali née conformes nec difformes sunt, ut canerc ad lucrum fæiendum, ire in agrum animi causa. Op. cit., n. 66. Mais ces fins ne peuvent avoir ce caractère d’indifférence morale que si on les considère comme des fins intermédiaires. Pourrait-on dire que dans le cas du chanteur qui exerce son art en se proposant comme fin exclusive de toute autre le gain, cette fin soit indifférente ? Nous verrons plus loin qu’il n’en est rien. La finis operantis, parce qu’elle est toujours connue et voulue (c’est elle qui nous détermine à agir), est nécessairement conforme ou non à la nature raisonnable. La finis operantis aura donc toujours une moralité spéciale qui pourra, parfois se confondre avec celle de la finis operis, mais qui souvent aussi aura son caractère propre. Finis etsi non sit de substantiel actus, est tamen causa actus principalissima, in quantum movel agentem ad agendum : unde et maxime actus moralis

speciem habet ex fine. S. Thomas, l a -II" q. vii, a. I. ad 2° m. C’est pourquoi la moralité provenant de la lin esl appelée moralité principale : elle est la cause déterminante de l’acte. L’enseignement de Notre-Selgneur montre l’influence que peut exercer l’intention sur

nos actes : Mtendite ne justitiam vestram faciatis coram hominlbus, ut videamini al> eis, alioquin mtreedem w>n habebitis apud Patrem vestrum. Matth., vi, 1.

Ce qui prive ainsi les bonnes CBUVreS de leur récompense, ce qui leur enlève leur bonté objective, c’est l’Intention mauvaise pour laquelle elles sont faites. 2. Application du principe. La fin Influe dilïé-