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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.2.djvu/586

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MORALITÉ DE L’ACTE HUMAIN


remment suivant que l’objet moral de l’acte est indifférent, bon ou mauvais.

a) Acte dont l’objet moral est indifférent. — Il peut devenir moralement bon ou moralement mauvais, suivant que le but poursuivi sera bon ou mauvais, ainsi chanter pour louer Dieu, ou pour exciter la passion. Les buts poursuivis sont l’un d’accord, l’autre en désaccord avec la règle de la moralité : l’acte indifférent en lui-même acquiert ainsi uncmoralité spéciale.

b) Acte dont l’objet mural est bon. — Il peut devenir plus ou moins bon, ou même mauvais suivant la qualité morale de la fia. Il peut devenir meilleur, acquérant, en plus de sa bonté objective, une nouvelle ou de nouvelles bontés accidentelles : l’aumône est acte bon ; on peut la faire pour une fin autre que sa bonté objective, ou pour plusieurs fins, p. ex., satisfaction pour les péchés, conversion du pauvre, amour de Dieu, toutes fins conformes à la règle morale, intéressant des vertus distinctes et, par le fait, ajoutant à l’acte des bontés morales distinctes. C’est la doctrine commune, contredite seulement par Vasquez, Comm. in I’Am -Il æ, disp. LI, c. m.

Par contre l’acte dont l’objet moral est bon peut devenir moins bon ou mauvais, par suite d’une fin mauvaise. Il importe, pour bien préciser l’influence de la fin mauvaise sur la moralité de l’acte, de distinguer la fin qui est cause totale, unique et adéquate de l’acte de celle qui n’en est que la cause partielle. Lorsque la fin mauvaise est cause totale et adéquate de l’acte, celui-ci perd sa bonté objective et devient complètement mauvais, peu importe que la fin soit gravement ou légèrement mauvaise : par exemple, faire l’aumône uniquement pour pervertir un pauvre, ou par vaine gloire. Dans ce cas, l’influence de la fin est telle que, sans elle, l’acte ne serait pas accompli. Il n’y a qu’un seul acte de volonté, visant le but à atteindre. Or ce but est mauvais. La bonté objective de l’acte n’intervient, dans la circonstance, que comme moyen ou instrument pour réaliser la fin voulue. La direction de la volonté est nettement et exclusivement mauvaise ; l’acte ne peut qu’être mauvais. Voluntas non potest dici bona, si sit intentio mala causa volendi ; qui enim vull dare eleemosynam propter inanem gloriam consequcndam, vull id quod de se est bonum sub ratione mali ; et ideo prout est volitum ib ipso est malum ; unde voluntas ejus est mala. S. Thomas, ia-II 88, q. xix, a. 7, ad 2um.

Lorsqu’une fin légèrement mauvaise est seulement cause partielle de l’acte, on peut affirmer avec Cajélan, Comm. in /a" 1 -// 38, q. xviii, a. 8 ; Billuart, Deact. hum., diss. IV, a. 4, § 2 ; Collet, De act. hum., c. iv, a. 2, sect. i, concI.l ; Ballerini-Palmieri, op. cit., §57, n. 164 ; Noldin. op. cit., n. 68 ; Prùmmer, op. cit., n. 123, contre les théologiens de Salamanque, Curs. theol., tr. xi, De bon. et mal., disp. VI. dub. i ; Jean de Saint Thomas, q. xxi, disp. IX, a. 4 ; Gonet, De act. hum., tr. iii, disp. IV, a.l, que l’acte humain n’est pas complètement vicié, mais qu’il est en partie bon et en partie mauvais. Dans ce cas, en effet, la volonté se propose une double fin, l’une bonne, l’autre mauvaise, p. ex., dans l’aumône faite par charité et par vaine gloire. La première direction de la volonté n’est pas détruite par la seconde qui n’est que légèrement mauvaise. Si, physiquement, il n’y a qu’un seul acte, moralement, il y en a deux, l’un bon, l’autre légèrement mauvais. Nihil prohibet aliquem actum esse unum, secundum quod refertur ad genus naturx, qui tamen non est unus, sei undum quod refertur ad genus moris… Si ergo accipitur unus actus prout est in génère moris, impossibile est quod sit bonus et malus bonitate et malilia morali ; si tamen sit unus unilate naturæ, et non unitate moris, pctest esse bonus et malus. S. Thomas, ia-II 35, q. xx, a. 6. Autrement qu’en serait-il de la plupart des actes.

humains, si un léger désordre dans une de nos intentions suffisait pour détruire leur bonté objective ? bien peu seraient bons. Cf. Billuart, op. cit., diss. IV, a. 4, §2.

Mais en est-il de même quand cette fin partielle est gravement mauvaise ? Enlève-t-elle à l’acte sa bonté objective et le rend-elle intégralement mauvais ? Ne semble-t-il pas qu’une telle fin, gravement opposée à l’ordre moral, même si elle n’est que cause partielle de l’acte, doive le vicier complètement, comme s’il était impossible qu’une action par laquelle l’homme se détourne entièrement de sa fin dernière, conserve encore une certaine bonté morale, provenant soit de son objet, soit d’autres fins partielles ? Beaucoup affirment qu’un tel acte, vicié par une fin partielle gravement mauvaise, est intégralement mauvais. Cf. Lehmkuhl, Theol. mor., 3° édit., Fribourg, 1886, tr. i, n. 33 ; Ballerini-Palmieri, op. cit., § 57, n. 162 ; Noldin. op. cit., n. 68 ; Marc, Inst. mor., 4e éd., Tournai, 1888, p. i, n. 307… ; Tanquerey, op. cit., n. 150, donne cette opinion comme étant multo probabilior. Cependant Prùmmer, op. cit., n. 123, voit dans cette affirmation le résultat d’une confusion entre mérite et bonté morale. En effet, celui qui accomplit une action objectivement bonne avec une intention gravement coupable commet, par le fait, un péché grave et mérite la damnation ; mais l’acte lui-même perd-il sa bonté morale ? Les mêmes auteurs admettent que, dans le cas d’une fin partielle légèrement mauvaise, l’acte demeure en partie bon, à cause de son objet, en partie mauvais, par suite de la fin pour laquelle il est fait. Pourquoi raisonner différemment dans le cas d’une fin partielle gravement coupable ? Aussi Priimmer considère-t-il comme plus probable absolute radium finem partialem, dummodo rêvera sit parlialis et inadiequatus, destruere actionis bonitatem objectivant. Eouquillon, sans se prononcer nettement, penche vers cette solution, op. cit., n. 365.

c) Acte dont l’objet est mauvais. — Accompli pour une fin mauvaise, il devient plus mauvais ; accompli pour une fin bonne, il ne peut jamais devenir bon, il est cependant moins mauvais que s’il était fait dans iiie intention mauvaise. La fin mauvaise peut ajouter une ou plusieurs malices spéciales, différentes de la malice objective, p. ex., voler pour, s’enivrer est contraire à la justice et à la tempérance. Une fin bonie pourra diminuer la malice de l’acte, par exemple, voler pour soulager un pauvre. La volonté ici ne s’attache pas au mal ; elle recherche ui bien réel ; il y a désordre seulement dans le moyen employé pour atteindre le but. Mais si la rectitude de la volonté rend l’acte moins mauvais, elle ne saurait cependant le dépouiller de sa malice objective. Cette dernière est essentielle à l’acte, elle ne peut en être séparée, même si elle n’est recherchée par la volonté que pour atteindre un autre but d’ailleurs excellent. La volonté accepte ce moyen, puisqu’elle veut la fin, elle en accepte la malice qu’elle connaît : l’acte ne peut donc être bon.

Aussi le principe la fin justifie les moyens est il en complète contradiction avec une morale qui place son fondement en Dieu, bien suprême et fin dernière de l’homme ; il pourrait par contre se justifier dans une morale utilitaire : si l’on fait de l’utilité individuelle ou sociale la règle dernière de la moralité, dans bien des cas, la malice objective paraîtra suffisamment compensée par l’excellence de la fin. Certains ne reculent pas devant cette conséquence de la morale utilitaire et admettent nettement que la fin justifie les moyens. Voir des exemples dans Tanquerev, op. cit., p. 93, note 2. Mais, quoi qu’on en ait dit, la morale chrétienne a toujours répudié ce principe, avec saint Paul, qui écrit aux Romains : Et non (sicut