Aller au contenu

Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.2.djvu/687

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

260 ;

    1. MYSTIQUE##


MYSTIQUE, QUESTIONS THÉOLOGIQUES

2668

la Taille n’ont pas semblé péremptoires à son contradicteur : « Il est bien vrai que la grâce est nécessaire, une grâce continuelle, abondante ; une grâce de choix, si l’on veut ; mais il faudrait prouver que cette grâce de choix doit être la grâce mystique. Pour toute preuve, l’auteur nous dit : Sur cet article, il suffit de lire les Dialogues de sainte Catherine de Gênes. C’est un peu sommaire, pour une question si importante. Quand même ce serait vrai pour sainte Cathetine ou pour toute autre âme mystique, il ne s’ensuit pas que ce soit une loi générale. De cette loi générale. ni les théologiens, ni les ascètes, ni les mystiques euxmêmes ne nous disent ou ne nous prouvent la nécessité. » P. LXI.

Ne trouverait-onpas dans les lignes qui précèdent un principe de conciliation ? Les grâces mystiques seraient nécessaires, à un moment donné, pour cerlanes âmes. Sainte Thérèse l’assure pour ellemême, i Étant donnée notre nature, il nous est impossible, je le crois, d’avoir le courage des grandes choses, si nous ne nous sentons pas en possession de la faveur de Dieu. Nous sommes si misérables, si inclinés vers les choses de la terre, qu’il nous sera bien difficile d’arriver à un mépris sincère de tous les biens d’icibas et à un détachement parfait, si nous n’avons reçu quelque gage des biens de l’autre vie… De même, à moins d’avoir reçu, avec une foi vive, un gage de l’amour que Dieu nous porte, on aura bien de la peine à ^concevoir le désir de devenir pour tous un objet de contradiction, à parvenir enfin aux autres vertus éminentes qu’on remarque chez les parfaits… Il peut se faire qu'étant misérable comme je le suis, je juge des autres par moi-même ; sans doute il est des âmes qui, à l’aide des seules vérités de la foi, produisent des œuvres très parfaites. Pour moi, vu mon peu de vertu, j’avais besoin de tous ces secours. "Vie, c. x, p. 92-93, du t. i desjŒuwes complètes, édition sans notes.

On conçoit facilement que les grâces mystiques soient un puissant moyen de sanctification : quand l’expérience de Dieu et des choses divines vient renforcer de sa certitude les^certitudes de la foi, quand les faveurs divines viennent certifier à l'âme étonnée qu’elle est l’objet d’un amour de prédilection, quand l'âme goûte par avance les biens éternels, quand elle se sent prise par la passion de l’amour de Dieu, que ne ferait-elle pas pour son Bien-Aimé? Aussi l’on n’est pas surpris des désirs véhéments, ressentis par les mystiques qui en ont été une 'première fois favorisés, de goûter à nouveau ces grâces ineffables. Le théologien n’a pas de peine non plus à légitimer le o désir de l’union mystique » ; cf. Poulain, c. xxv ; pourquoi serait-il défendu de désirer et de demander, posilis ponendis, ces miracles psychologiques, alors que rien n’interdit de désirer les autres ?

Conduite à tenir en présence de phénomènes mystiques.

De récentes interventions du Saint-Siège

ou de l'épiscopat nous rappellent opportunément que nous devons nous montrer extrêmement prudents, dans l’examen des phénomènes mystiques et dans l’admission de leur caractère surnaturel.

Nous faisons allusion tout particulièrement aux faits de Loublande et a la condamnation du livre intitulé : Une mystique de nos jours… Cf. Revue d’ascétique et de mystique, 1922, p. 333-334. Malgré les nombreuses et hautes approbations qu’il avait reçues, on s’explique la condamnation de ce livre : « 1. par le danger d’illusion que crée l’habitude d’attribuer trop facilement à des communications immédiates de Dieu les bonnes pensées qui se présentent à l'âme… - 2. par le danger d’une familiarité excessive avec Dieu et Notre-Selgneur - familiarité qui, pour des ftmes moins pures et moins simples que celle de sœur

Gertrude-Marie, peut n'être pas sans graves inconvénients — et dont il est dès lors inopportun de jeter les confidences dans le grand public… » Ibid., p. 333. L’intervention épiscopale se lit dans l’Approbation donnée par Mgr Chollet à l’ouvrage de Farges, Les phénomènes mystiques, 1. 1, p. viii : « Je suis tout à fait de votre avis au sujet de l’attitude que les directeurs doivent prendre en face des voies passives ou de J oraison de quiétude. Les voies passives sont ouvertes par Dieu lui-même à qui il lui plaît. Il y introduit des imparfaits qu’il y sanctifie ; il n’y mène pas des saints. Laissons-lui le gouvernement de ces voies, et n’y poussons pas : contentons-nous de contrôler ce qui s’y passe… » Les dangers d’illuminisme et de quiétisme, aujourd’hui comme toujours et peut-être plus que jamais, ne sont pas des chimères ; cf. Revue d’ascétique et de mystique, 1921, p. 187 ; 1922, p. 448.

Le premier mouvement d’une âme qui pourra se croire l’objet d’une faveur mystique, d’un directeur consulté sur la nature de tel phénomène ressenti, devra être de croire plutôt à quelque cause naturelle qu'à une intervention immédiate de Dieu, et d’en différer l’examen, de n’en plus parler, de n’y plus penser. C’est la conduite tenue par Héli à l'égard du petit Samuel. Il sera toujours temps d’examiner si le phénomène se reproduit. — En agissant ainsi, dirait saint Jean de la Croix, « on ne fait pas à Dieu la moindre offense, et on n’en reçoit pas moins l’effet et le fruit que Dieu avait en vue en les suscitant (il î'agit de « perceptions surnaturelles » reconnues comme telles et auxquelles on n’attache aucune importance, que l’on « repousse » ). Cela est facile à comprendre. Vision corporelle, impressions reçues par les autres sens, et aussi communications, même les plus intérieures, si elles viennent de Dieu, au moment même qu’elles paraissent et sont ressenties, elles produisent leur effet dans l’esprit, sans attendre que l'âme délibère sur ses sentiments à leur égard. Car, comme Dieu donne ces communications surnaturelles sans le concours actif ni l’application de l'âme, de même il ne requiert pas sa participation pour produire l’effet qu’il a en vue. » La montée du Carmel, t. II, c. x, 1. 1, p. 93, édition Hoornært.

Si le phénomène se reproduit, il sera bon, pour éviter d'être le jouet d’une illusion, de s’assurer qu’il n’est pas dû à quelque cause naturelle, en faisant varier ce qu’on peut appeler les conditions de l’expérience, par exemple de supprimer jeûnes, veilles, mortifications de toutes sortes, qui peuvent avoir affaibli l’organisme et produit ou contribué à produire ce phénomène qu’on prend pour un phénomène mystique. Sainte Thérèse le recommande expressément, Château, IVe D., c. iii, p. 165-167. Si le phénomène ne se reproduit plus, il est fort à présumer qu’on avait affaire à une cause naturelle : Sublala causa, toUitur 'ffectus.

Mais en liii, si les manifestations d’apparence surnaturelle continuent malgré tout, on peut procéder soi-même à un examen méthodique des phénomènes en question, ou consulter à leur sujet des personnes compétentes. « . Il sera bon, dans les commencements, d’en parler, sous le secret de la confession, â un homme éminent en doctrine, ou bien à un homme très avancé dans la spiritualité, si l’on peut le rencontrer… Mais une fois ces consultations faites, il faut se tenir en repos et ne pas les multiplier, car parfois le démon inspire sans motif des craintes excessives, qui portent ['âme à ne pas se contenter d’une seule décision. Cela arrive surtout si le confesseur manque d’expérience, si on le voit craintif et si lui-même incline l’Ame a s’en ouvrir fréquemment… » Château, VIe D., c. viii, p. 281-285. Moins donc on parlera de ces faveurs divines, même à son confesseur, mieux cela vaudra.