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Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 10.2.djvu/77

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1447 MESSIANISME, LES PROPHÈTES PRÉEXILIENS : SOPHONIE 1448

de son relèvement moral, que Sellin place la prophétie de Nahum, pour expliquer l’absence de reproches graves, immédiatement après la réforme religieuse de Josias, et que Guthe et Nowack attribuent le psaume du premier chapitre ainsi que plusieurs autres versets à l’époque postexilienne.

Plus encore que dans Nahum, les plus récents commentateurs des petits prophètes, Duhm, Sellin, Guthe, Nowack ont découvert des idées messianiques dans Habacuc. Ils abandonnent l’explication historique d’après laquelle le prophète aurait vécu à la fin du vu » siècle et fait allusion à l’oppression dont les Babyloniens menaçaient, s’ils ne l’exerçaient déjà, soit les Israélites, soit les Assyriens. Ils la remplacent par une exégèse eschatologique. Habacuc aurait reçu « la révélation que la fin est proche », Nowack p. 258, « et parlerait uniquement de la fin », Sellin, p. 335. Il décrirait Jahvé se levant et descendant sur la terre accompagné d’un orage et d’un tremblement de terre pour rétablir définitivement l’ordre. La cause de cette intervention de Jahvé serait l’expédition d’un grand roi qui, à la tête d’une armée immense, envahit et bouleverse l’ancien Orient. Ce roi ne serait autre qu’Alexandre le Grand dont Habacuc aurait été le contemporain.

Cette hypothèse, émise pour la première fois par Duhm, 1906, adoptée par Nowack dans la troisième édition de son commentaire, 1922, par Proksch et surtout par Sellin, 1922, ne peut pas être raisonnablement soutenue. Elle repose pour ainsi dire exclusivement sur la transformation de kasdim (Chaldéens) en kittim (Macédoniens), i, 6, et de iain (vin) en ievani (Grec), ii, 5. Or ces corrections sont tout à fait arbitraires, car le texte ne contient aucune allusion à l’expédition d’Alexandre. Et même si Alexandre y était visé, les oracles d’Habacuc n’auraient pas plus que s’ils se rapportent aux Chaldéens une couleur eschatologique. Car dans les deux premiers chapitres le prophète décrit uniquement des événements actuels sans y voir des signes précurseurs d’un changement total de l’ordre actuel ; la phrase obscure, ii, 3, se rapporte à la fin de l’épreuve présente et non pas à la fin suprême. Dans le psaume qui forme le troisième chapitre et qui depuis Duhm est de nouveau reconnu comme authentique, Habacuc décrit une théophanie à la façon du premier chapitre de Nahum et du psaume xvii, sans penser comme le veut Guthe dans E. Kautzsch, t, ii, p. 75, au jugement final des païens en faveur d’Israël.

Les commentaires des douze petits prophètes, voir col. 1429. — Les commentaires de Nahum et d’Habacuc de Baumgartner, 1885 ; A. B. Davidson, 1899 ; Beck, 1899 ; Happel, 1902, 1905 ; Duhm, 1906 ; W. H. Ward, 1912 ; J. M. P. Smith, 1912 ; Guthe dans Kautzsch. 1923.

P. Haupt, The Book of Nahum, dans Journa lof biblical littérature, 1907 ; P. Kleincrt, Nahum und der Fall Ninives, dans Theologische Studien und Kritiken, 1910 ; F. Alartin, La prophétie d’IIabakuk, 1864 ; J. Bôhmer, Habakuks Schri/l im Feuer der neueren Kritik, dans Neue kirchliche Zeitschri/t, 1899 ; W. Caspari, Die Chaldàer bei Habakuk, ibidem, 1907 ; F. Nicolardot, La composition du livre d’Habacuc, 1908 ; Cheyne, An appeal (or a more complète criticism of the book o/ llabakkuk, dans Jewish quarlerly review, 1908 ; Stonchouse, The Book of llabakkuk, 1911.

vu. sopiionie. — Tandis que Nahum et Habacuc, dans les discours qui nous sont conservés, ne prédisent pas l’avenir messianique, le point de vue eschatologique prédomine chez leur contemporain Sophonie. Aussi le ton est-il tout autre. Chez ceux-là, aucun reproche, aucune menace à l’adresse d’Israël. Chez celui-ci, la perspective d’un jugement sévère donne a tout son livre un sombre caractère.

Sophonie est le prophète par excellence du jour de Jahvé dont il donne une description vigoureuse et impressionnante. Il multiplie les qualificatifs pour

en relever la terreur. Il le nomme jour de colère, d’angoisse, d’affliction, de renversement et de bouleversement, d’obscurité et de ténèbres, i, 15. Ce qui rend sa description particulièrement effrayante, c’est l’annonce que ce jour est proche, i, 14. Le monde entier avec ses habitants sera consumé, i, 18 ; hommes et animaux, oiseaux et poissons seront exterminés, i, 3, 18. Mais le jugement visera en premier lieu Juda et les habitants de Jérusalem, qui seront punis à cause de leur idolâtrie et de leurs mœurs païennes, i, 4 sq. Pour les châtier, Jahvé se servira d’armées ennemies qui marcheront « contre les forteresses et les hautes tours », i, 16, et répandront le sang comme la poussière et les cadavres comme l’ordure, i, 17. Les angoisses seront telles que les héros mêmes pousseront des cris, i, 14, et que les hommes erreront comme des aveugles, i, 17. Seuls les humbles pourront être sauvés. Ils sont invités à pratiquer la justice, pour ne pas périr quand la fureur de Jahvé éclatera, ii, 3. Outre Juda, Sophonie nomme en détail cinq autres peuples qui seront frappés par le jugement : les Philistins, les Moabites, les Ammonites, les Kouschites et les Assyriens. Ils seront complètement ruinés, ii, 415. Ceux des Israélites qui survivront s’empareront du territoire de leur voisins exterminés, ii, 6, 7, 9.

A côté ce cette issue désastreuse réservée à cinq nations, le prophète connaît aussi un résultat salutaire du jugement pour les païens : l’abolition de l’idolâtrie, « de sorte que toutes les îles des païens adoreront Dieu, chacun à son endroit », ii, 11. Tel est le contenu de la première partie du livre, c. i-n.

Dans une seconde partie, iii, sont répétés les reproches contre Jérusalem, la ville pécheresse, iii, 1. Elle aurait dû se laisser avertir par la punition que d’autres peuples ont subie et se convertir, iii, 6 ; mais elle reste obstinée dans la pratique des crimes, iii, 7. Pour cette raison elle sera englobée dans le jugement universel préparé par Jahvé. Le Très-Haut réunira les peuples et les royaumes pour verser sur eux toute l’ardeur de sa colère, iii, 8, et pour consumer toute la terre.

Le résultat de ce jugement ne sera pas d’ailleurs, comme Sophonie l’indique à nouveau, l’extermination de l’humanité, mais seulement sa purification. Les nations païennes recevront des lèvres pures, et d’un commun accord elles serviront Jahvé, iii, 9. Même au delà des fleuves de Kousch, elles lui offriront des sacrifices. Juda lui-même sera sanctifié. Tous les pécheurs hautains seront enlevés de son sein, iii, 11, et il formera un peuple humble et petit qui ne commettra aucun péché et qui sous la protection divine vivra en sécurité absolue, iii, 12-13. Prévoyant cet état de bonheur, le prophète invite dès maintenant Sion à la joie, iii, 14 ; car alors Jahvé demeurera au milieu d’elle comme son roi, iii, 15 ; il fera revenir les dispersés et les exilés, Israël deviendra une nation glorieuse dans le monde entier et devant tous les peuples, iii, 19-20.

Autant les critiques modernes grossissent les prétendues doctrines eschatologiques de Nahum et de Habacuc, autant ils diminuent celles de Sophonie. Plusieurs parmi eux, par exemple Stade, Schwally, Marti, Wellhausen, Budde, lui enlèvent le troisième chapitre tout entier et une notable partie du second. D’autres, surtout Cornill, Nowack, Rothstein et Sellin, ont avec raison réagi contre cet excès et revendiquent pour Sophonie l’ensemble du livre. D’autres part ils ont émis la théorie que les oracles primitifs du prophète auraient principalement visé Juda et quelques autres nations, et que leur contenu aurait été presque uniquement comminatoire. Plus tard ces oracles auraient reçu une retouche eschatologique et universaliste, par l’addition de nombreuses gloses plus oi »