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THÉOLOGIE. AU TEMPS DU PHILOSOPHISME


Les mêmes auteurs apportent beaucoup de soin à distinguer différentes espèces et divers degrés de conclusions théologiques : cf. Gotti, dub. iii, § 3 ; Gautier, diss. II, c. i ; de même, ils développent un De locis assez élaboré et ils consacrent une grande place à définir les différentes notes théologiques. Pour toutes ces choses, le Prodromus de Gautier est typique et très complet.

C’est cette ligne de la theologia dogmatica qui aboutira aux Dogmatiques modernes, c’est-à-dire à des exposés de la doctrine catholique se présentant non comme une élaboration extrême systématique et dialectique, à la manière des Sommes du Moyen Age, mais comme une sorte de « doctrine chrétienne » développée, ou une explication du donné de foi poursuivie très au contact avec les sources et les expressions positives de celles-ci. Cf. O. Ritschl, Li/erarhistorische Beobachlungen ùber die Nomenklatur der theologischen Disziplinen im 17. Jahrhunderl, dans Studien zur systemalisclien Théologie, Fcstgabe Th. von Heering, Tubingue, 1918, p. 83 sq. ; H. Keller, dans Theologische Revue, 1938, col. 301.

Les cours et manuels de l’époque qui suit 1680 portent fréquemment dans leur titre les mots « dogmaticoscolastique. Ainsi C.-V. Gotti, J.-B. Geuer, 17671777, Tournélꝟ. 1755, etc. Ce titre indique l’intention de marier l’élément positif et l’élément rationnel, l’explication de la foi et l’interprétation d’école. Cela est très net, par exemple, dans l’œuvre d’un Martin Gerbert, voir ici, t. vi, col. 1295 et cf. ici, art. Gotti, t. vi, col. 1505-1506. Cette intention commande une méthode. On a abandonné la technique de la quæstio et on adopte, à la place, un schème d’exposé qui commence d’apparaître déjà dans la scolastique du xive siècle et qui était déjà, en somme, celui de Cano ; il suit non un ordre dialectique d’invention et de preuve, mais un ordre pédagogique d’explication et comporte les étapes suivantes : thèse, status quæstionis, c’est-à-dire exposé des opinions, preuves positives d’autorité, preuves de raison théologique, solution des difficultés, corollaires, et en particulier corollaires pour la vie et la piété. Ce schéma est devenu celui de la presque totalité de nos manuels.

La tendance à se constituer en « système ».

Vers le milieu du xviiie siècle, la théologie subit, surtout en Allemagne, l’influence de la philosophie de Wolf. Cette influence est sensible au point de vue du contenu, et plus encore peut être au point de vue de la méthode. Wolf accentue la tendance de ses inspirateurs. Spinoza, avec son more geomelrico, Leibniz avec son Systema theologiæ (publié seulement en 1819), pour aboutir à ce qu’on appellera le systema ou la methodus scientiflea : méthode de type ^cornet rique caractérisée par la recherche d’un ordre déductif rattachant tous les éléments à un unique principe. O. Ritschl a étudié le développement de l’idée de « système » et de procédé t systématique dans la théologie, principalement dans la théologie protestante, depuis le début du xviie siècle jusqu’au milieu du xviii 1 : System und systematische Méthode in der Geschichle des wissenschalllichen Sprachgebrauchs und der philosophischen Méthodologie, Bonn, 1900, surtout p. 40-54. Il est fort probable que l’exemple de la théologie protestante qui. très loi, a juxtaposé à l’Écriture un « système » plus construit que les anciennes Sommes scolastiqucs, a influé sur la théologie catholique.

Dans la seconde moitié du xviiie siècle, la théologie catholique recherche volontien de se constituer’n système », en suivant la methodus scientifica île l’école de Wolf. Des exemples types oc telles théologie ! sont fournis par l’œuvre de B. Stattler, s. J. ; cf.C. Oberndorfer, O. S B., Systema Iheolagtco hislonr, , rntintm, Allgsbourg, 1762 ; B.-J. Ilcrwis, O. Præm., Epitome dogmatica, Prague, 1706, traité apologétique de l’Église selon la méthode mathématique ; J.-A. Brandmeyer, Principia eaiholica introductionis in universam theologiam christianam, Rastadt, 1 783 ; M. Gazzaniga, O. P., Theologia dogmatica in systema redacta, Ingolstadt, 1786 ; M. Dobmayer, Theologia dogmatica, seu Systema theologiæ dogmaticæ, 1807 (posthume).

L’organisation pédagogique de la théologie en « Encyclopédies ».

En même temps, la théologie du xviiie siècle est friande de traités méthodologiques. Les Introductiones, les Apparatus, les De locis se multiplient. La vieille idée de rassembler toutes les connaissances en un corpus où elles soient distribuées et ordonnées, réapparaît et anime le mouvement des encyclopédies. Vers la fin du xviiie siècle et au début du xixe, l’idée de réunir et d’organiser en un ensemble les diverses branches relevant de la théologie, prend corps dans un grand nombre d’ « Encyclopédies » ou « Méthodologies ». Ces deux mots répondent à la fois à l’ancien De sacra doctrina, au De locis et au besoin nouveau de distribuer systématiquement les différentes branches, parfois divisées et subdivisées à l’excès, de la théologie : par cette idée de distribution systématique et d’ordre déduit d’un seul principe, l’ « encyclopédie » se rattache au « système », comme on le sent jusque dans le titre d’une des plus célèbres productions de ce genre, du côté catholique, V Encyklopâdie der theologischen Wissenschaften als System der gesammten Théologie, de F.-A. Staudenmaier, 1834.

Ces Encyclopédies ou Méthodologies sont innombrables. On trouvera sur elles une abondante documentation dans l’art. Encyklopädie de la Prolest. Realencyklopadie, 3e éd. t. v, p. 354 sq., dans les art. Encyklopädie et Théologie du Kirchenlexikon, 2e éd., t. iv, col. 497-501 et t. xi, col. 1565-1569 ; dans le Systemalisch geordnetes Repertorium der kalholisch-lheologischen Litteratur de Gla, t. i, Paderborn, 1895, p. 6 sq. ; enfin dans l’art. Théologie du Dict. encyclopédique de la théologie catholique de W’etzer et Welte, trad. fr. par Goschler, t. xxiii, p. 313-324 : ce dernier article donne les plans proposés par Dobmayer, 1807 ; Drev, 1819 ; Klee, 1822 et Staudenmaier, 1834. Cf. aus’si G. Rabeau, Inlrod. à l’élude de la théologie, Paris, 1926, p. 369 sq.

II. LE MARASME DE LA THÉOLOGIE AU TEMPS DU PHILOSOMISME.

La théologie pénétrée par l’esprit du philosophisme est caractérisée par la méconnaissance du christianisme en tant qu’il apporte à l’esprit, au delà des possibilités et des initiatives propres de celui-ci, un ordre nouveau d’objets, qui sont des mystères, inaccessibles à toute découverte rationnelle, mais donnant lieu, une fois révélés et reçus dans la foi, à l’activité contemplative nouvelle d’une intellectualité surnaturelle. La Ve.rnunlttheologie, au temps de VAufktàrung et du philosophisme, reprend l’intention de l’apologétique qui s’est développée depuis le xviie siècle, contre les « libertins » : elle veut refaire l’unité des esprits dans le christianisme, au sein d’un monde où la foi d’un côté, la science et la culture de l’autre, forment deux terres séparées ; elle veut opérer le passage de la raison à la religion, de la science au christianisme, par les ressources de la raison et de la science. G. Hermès († 1831) donne à cette Intention une forme savante, dont l’appareil est en grande partie emprunté à Kant corrigé pu Fichte, Einleitung in die christkatholische Théologie, i. Philosophische Einleitung, Munsler, 1819 ; II, Positive Einleitung, Munster, 1829. Il définit la foi en termes purement intellectuels, comme l’état de l’esprit qui, parti du doute posilif et absolu, arrive a ne plus pouvoir douter. Cf. ici, art. IIihmi’s. i. i, col. 2290 sq. La grâce intervient bien pour rendre efficacement salutaire la foi ainsi obtenue ; mai’. I oui le contenu intellectuel