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THÉOLOGIE. RENOUVEAU DU XIXe SIÈCLE

di Piacenza, Plaisance, 1924 ; Fr. Ehrle, Die Scholastik vnd ihrc Aujgaben in unserer Zeit, 2e éd., Fribourg-cn-B. , 19.33. Par contre il faut marquer ici ce que cette restauration de la scolaslique représente au point de vue de son influence sur la notion de théologie au xix’siècle. Le xviie et le xviii’siècle n’avaient pas éliminé la scolastique comme méthode, mais ils l’avaient vue petit à petit mourir d’inanition comme objet ou contenu de pensée, car ils avaient délaissé ce qui proprement l’animait, la philosophie chrétienne. Ce qui est le plus frappant dans la période qui va de 1760 à 1840 environ, c’est de voir la théologie chercher son ferment philosophique non dans la tradition chrétienne d’Augustin, de Thomas d’Aquin et de Bonaventure, mais dans les diverses philosophies tour à tour dominantes : chez Descartes, ainsi, par exemple M. F.mcry, Pensées de Descartes sur la religion et la morale, ou le P. Valla, oralorien, auteur de la Philosophie dite de Lyon, suivie dans de nombreux séminaires, et d’une’J’heologia mise à l’Index en 1792 ; chez Leibniz et Wolf, comme nous l’avons vu plus haut ; chez Kant ou Fichtc, comme Hermès ; chez Schelling, comme M. Dobmaier, Systema theoloyise doymalicæ, ou P.-B. Ziemer, Theolngia dogmatica, ou encore Sailer ; chez Hegel et Schleiermacher, comme l’a fait dans une certaine mesure ou durant un certain temps Mohler ; chez Malebranche, comme le lera Gerdil ; chez les sensualistes, les empiristes et les naturalistes, Locke, Condillac et Bousseau, comme l’abbé Flotter, auteur de Leçons élémentaires de philosophie suivies dans de nombreux séminaires ; chez Lamennais enfin, comme l’abbé Gcrbet, Des doctrines philosophiques sur la certitude dans leurs rapports avec la théologie, 1826 ; Coup d’oeil sur la controverse chrétienne, 1828.

Or, c’est précisément la philosophie chrétienne que les papes s’appliquent à restaurer d’abord dans l’enseignement, puis par leurs interventions doctrinales sur la question des rapports entre la science et la foi, enfui par la série de documents qui entourent ou suivent l’encyclique JEterni Pains, dont le sous-titre, significatif au suprême degré, porte : De philosophia christiuna ad mentem sancti Thomæ Aqninatis Doctoris Angelici inscholis catholicis inslauranda, 4 août 1879. Les documents de même sens sont innombrables ; cf. les tables de VEnchiridion clcricorum. Documenta Ecclesiæ sacrorum alumnis instituendis, publié par la Congrégation des séminaires et universités en 1938.

La philosophie dont les papes veulent la restauration est celle des Pères et des grands docteurs médiévaux ; cf. encyclique /Eterni Patris ; encycl. Communiant rrrum, du 21 avril 1909, pour le centenaire de saint Anselme ; Jucunda sant, du 12 mars 1904, sur saint Grégoire le Crand : lettre Doctoris seraphici du Il avril 1901, pour la réédition des œuvres de saint Bonaventure. etc. Cependant, dès l’encyclique JEterni Patris, saint Thomas est proposé comme le maître le plus sûr et chez qui la philosophie chrétienne a trouvé son expression la plus parfaite, la plus élevée, la plus Cette préférence se fait, dés lors, de plus en plus précise et de plus en plus efficace : « Nous vonloni H nous ordonnons, dit l’encyclique Pascendi, quc la philosophie scolaslique soit mise à la base des icleni i… ; et, quand nous prescrivons la philo sophie scolaslique, ceci est capital, ce q.ic nous entendons par là, c’est la philosophie que nous a léguée le Docteur angélique. Arles de S. S. Pie X, éd. lionne I. t. m. p. 160 ; Enchir. clrnc. n. 805.

Si la do. 1 1 Ine d « ’quelque auteur a éié recommandée spécialement, déclare encore Pie X. la chose est claire, dans l.i mesure seulement on elle s’accordi les principes de saint Thomas. Motu proprio Doctoris angelici, 29 juin loi 1, dans Acfa apost. Sedts, loi l, p. 338 ; Enchir. (Irnc, n. 801.

Ce motu proprio avait pour suite, un mois plus tard, 27 juillet, les fameuses 24 propositions précisant les principes essentiels de saint Thomas à tenir in omnibus philosophise scholis. Acla apost. Scdis, 1914, p. 383-386 ; Enchir. cleric, n. 894-918. Cette recommandation de saint Thomas a été continuée par Pie XI non sans recevoir d’ailleurs de sages interprétations : cf. encyclique Studiorum ducem, 29 juin 1923, et lettre O/ficiorum omnium sur les séminaires, 1 er août 1922. Acla apost. Sedis, 1922, p. 454 ; Enchir. cleric, n. 1 155. On sait que le Codex jnris canon ici, can. 1306, $ 2, fait aux professeurs, dans l’Eglise, une obligation de suivre, dans l’enseignement de la philosophie et de la théologie, Angelici Doctoris ralionem, doctrinam et principia ; la constitution Deus scientiarum du 24 mai 1931 rappelle, cette obligation tant po.ir les facultés de philosophie que pour celles de théologie : titre iii, art. 29 a et c. Aussi la théologie contemporaine se développe-t-elle sous le signe de saint Thomas et de la philosophie scolastique. C’est d’eux qu’elle tient les principes et le statut même de la synthèse, qu’il lui appartient de poursuivre, entre la foi et la raison. On peut vraiment parler d’un renouveau de la scolastique ; car, comme Albert le Grand et saint Thomas ont apporté jadis à la théologie une raison véritablement scientifique, celle d’Aristote, la théologie actuelle a repris leur héritage et a vraiment réintroduit dans son travail la raison scolastique, la philosophie chrétienne.

Le développement des éludes positives et critiques.

Le xixe siècle voit l’avènement définitif d’une nouvelle forme du travail rationnel, le travail historique, critique : critique biblique, histoire des dogmes, science des religions. Certes, tout cela existait déjà, en une certaine mesure. Le xviie siècle avait été, dans l’Église catholique, un grand siècle historique ; la critique biblique commence avec Bichard Simon, et le mot même de « t béologie biblique » apparaît chez nous au début du xviii’siècle, cf. Kirchenlexikon, 1° éd., t. xi, col. 1508 ; la science des religions débute au xvin’siècle et les missionnaires ne sont pas étrangers à ce début. Cependant, ces disciplines ne constituaient pas alors une véritable mise en question des principes de la théologie. Cette mise en question, au contraire, se produit au xixe siècle, principalement par deux cajses : la critique fondée sur l’histoire comparée, le point de vue du développement historique.

Jusque là, on avait interprété la Bible presque exclusivement par elle-même. Les découvertes dans le domaine de l’égyptologie, de la civilisation babylonienne, de l’archéologie palestinienne, etc. mettent désormais le texte sacré en rapports avec tout un milieu où les idées et les institutions qui s’y expriment perdent leur caractère de chose unique et absolue. En histoire des dogmes, de multiples travaux voient le jour, surtout en Allemagne. Des questions critiques se posent au sujet de plusieurs dogmes, dont le type achevé est la question des origines de la pénitence ; voir ce mot. Ii résulte de tout cela que les assertions de la Bible, d’une pari, les dogmes, d’autre part, qui fournissent à la théologie ses principes, font l’objet de nouvelles interprétai ions, de discussions et semblent perdre le caractère de vérité absolue qui leur était essentiel. Cf., sur l’essor des éludes critiques et historiques au xix’siècle. A.Briggs, History o the study of Theologꝟ. 1 ondres, 1916, l. n. p. 18 ! » sq.

Par le fait même aussi s’impose l’idée ou développement historique. Une idée ou une Institution portent dans leur trame même une date et ne sont pas Intrinsèquement, les mêmes, au l". au XIII*, au xix’si. I lo,

En même temps, l’idée de développement était intégrée par des philosophes ou des théologiens, à la Synthèse philosophique ou théologique : chez Hegel, de qui dépendent plus ou moins d’un côté Mohler et les