Page:Alfred de Vigny - Cinq-Mars, Lévy, 1863.djvu/467

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Si monsieur de Bouillon est pris, il faut pourvoir l’Italie d’un chef de grande fidélité, pour plusieurs raisons qui pressent. Il en faut un en Guyenne et un autre dans le Roussillon, estant douteux si monsieur de Turenne voudroit servir, et si l’on doit le laisser seul, le Roy y pourvoira s’il lui plaist.

On voit quel piège il indique ; M. de Cinq-Mars y tomba le premier.

La réponse ne se fait pas attendre : on a arrêté M. de Bouillon ; le Roi a consenti à faire tous les mensonges qui lui sont dictés, et, pour preuve de son obéissance, il écrit de sa main la lettre qui suit :


Lettre du Roy à Son Éminence.


Je ne me trouve jamais que bien de vous voir. Je me porte beaucoup mieux depuis hier ; et ensuite de la prise de monsieur de Bouillon, qui est un coup de parti, j’espère avec l’ayde de Dieu que tout ira bien, et qu’il me donnera la parfaite santé ; c’est de quoi je le prie de tout mon cœur.

Louys.


Avec ce gage on peut agir : il a fait menacer Monsieur, et ne lui a répondu que vaguement. Gaston se remet à supplier : le même jour il écrit au Roi, au cardinal Mazarin, à M. Des Noyers, à M. de Chavigny, et une seconde fois au Cardinal. Remarquez que c’était à lui d’abord qu’il avait demandé pardon le 17 juin, avant de supplier le Roi le 25, suivant en cela la hiérarchie établie par le Cardinal. Il demande grâce à tout le monde et promet une entière confession.

Là-dessus, le Cardinal met le pied sur le frère du Roi, et l’écrase par la lettre froide où il lui conseille de tout confesser. On l’a lue au chapitre le Travail.

Reviennent de nouveaux rapports du fidèle agent Chavigny, lequel ne connaît pas d’assez humbles termes pour parler au Cardinal, dont il se dit sans cesse la créature. Chavigny se moque de Monsieur et du choléra-morbus (déjà connu comme l’on voit), qui saisit l’agent de ce prince dans la peur d’être