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Page:Alfred de Vigny - Cinq-Mars, Lévy, 1863.djvu/468

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arrêté. — Il fait conseiller à Gaston de se retirer hors de France. On voit que le Roi ne se permet pas de répondre sans que le Cardinal ait corrigé la lettre qu’il doit écrire.


M. de Chavigny à Son Éminence.


Le Roy parla hier à monsieur de La Rivière aussi bien et aussi fortement qu’on le pouvoit désirer. Je luy fis mettre par escrit et signer tout ce qu’il luy dit de la part de Monsieur, ainsi que Son Éminence verra par la copie que je luy envoye : et lorsqu’il fit difficulté d’obéir aux commandements de Sa Majesté, elle luy parla en maistre, et il eut si grand’peur qu’on l’arrestât, qu’il luy prit presque une défaillance, et ensuite une espèce de choléra-morbus dont il a esté guary en luy rasseurant l’esprit. Le Roy fut ravy de ce que Monseigneur n’eust pas la pensée de voir Monsieur. En parlant à Monsieur de La Rivière, je l’ai fait tomber insensiblement dans le dessein de proposer à Monsieur qu’il confesse ingénuement toutes les choses par un escrit qu’il envoyera au Roy ; pour, après avoir vu Sa Majesté, s’en aller pendant un temps hors du royaume, avec ses bonnes grâces, et celles de Son Éminence.

Il m’a dit qu’il feroit cette proposition à Monseigneur, et qu’il luy demanderoit sa parole, pour la seureté de Monsieur, au cas qu’en confessant toutes choses par escrit, il vinst trouver le Roy, pour s’en aller par après hors de France.

En ce cas, Son Éminence aura agréable de faire sçavoir à ses créatures si Venise n’est pas le meilleur lieu où puisse aller Monsieur, et quelle somme elle estime qu’on puisse lui accorder par an.

J’envoye à Monseigneur la réponse du Roy, qui doit estre mise au pied de la déclaration de La Rivière, afin qu’elle soit corrigée comme il lui plaira, et de la mettre entre ses mains quand il passera.

Je seray jusques à la mort sa très-humble, très-obligée et trèsfidèle créature,

Chavigny.

À Montfrin, le dernier juin 1642.


Le Cardinal permet à Monsieur de sortir du royaume, et d’aller à Venise, et stipule la pension qu’il aura, de façon à le rendre sage.