Page:Alfred de Vigny - Cinq-Mars, Lévy, 1863.djvu/487

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lors il reprit sans interruption ses discours spirituels et se confessa une seconde fois. Il demandoit parfois si l’heure de partir pour aller au supplice approchoit, quand on les devoit lier, et prioit qu’on l’avertist quand l’exécuteur de la justice seroit là, afin de l’embrasser : mais il ne le vit que sur l’échafaud. »


Sur la paraphrase que fit M. de Thou.


Le père Montbrun, confesseur de M. de Thou, est cité dans ce rapport, et donne ces détails :

M. de Thou, étant sur l’échafaud à genoux, récita aussi le Psaume 115, et le paraphrasa en français presque tout du long, d’une voix assez haute et d’une action assez vigoureuse, avec une ferveur indicible, mêlée d’une sainte joie, incroyable à ceux qui ne l’auroient point vue. Voici la paraphrase qu’il en fit, et que je voudrais pouvoir accompagner de l’action avec laquelle il la disoit ; j’ai tâché de retenir ses propres paroles.

« Credidi, propter quod locutus sum. Mon Dieu, credidi ; je l’ai cru et le crois fermement, que vous êtes mon créateur et mon bon père, que vous avez souffert pour moi, que vous m’avez racheté au prix de votre sang, vous m’avez ouvert le paradis. Credidi. Je vous demande, mon Dieu, un grain, un petit grain de cette foi vive, qui enflammoit les cœurs des premiers chrétiens : Credidi, propter quod locutus sum. Faites, mon Dieu, que je ne vous parle pas seulement des lèvres, mais que mon cœur s’accorde à toutes mes paroles, et que ma volonté ne démente point ma bouche : Credidi. Je ne vous adore pas, mon Dieu, de la langue : je ne suis point assez éloquent ; mais je vous adore d’esprit, oui, d’esprit, mon Dieu, je vous adore en esprit et en vérité ! Ah ! ah ! credidi. Je me suis fié en vous, mon Dieu, je me suis abandonné à votre miséricorde après tant de grâces que vous m’avez faites, propter quod locutus sum ; et, dans cette confiance, j’ai parlé, j’ai tout dit, je me suis accusé.

« Ego autem humiliatus nimis. Il est vrai, Seigneur, me voilà extrêmement humilié, mais non pas encore comme je le mérite. Ego dixi in excessu meo : Omnis homo mendax. Ah ! qu’il n’est que trop vrai que tout ce monde n’est que mensonge, que folie, que vanité ! ah ! qu’il est vrai : Omnis homo mendax ! Quid retribuam Domino pro omnibus quæ retribuit mihi ? Il répétait ceci d’une grande véhémence : Calicem salutis accipiam. Mon père, il faut boire coura-