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Page:Améro - Les aventuriers de la mer.pdf/100

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LES AVENTURIERS DE LA MER


« Je vis alors une vingtaine de personnes, passagers et équipage, se débattre sur l’eau, et, aidées de quelque débris, se maintenir à la surface. Le navire qui venait à notre secours, le trois-mâts norvégien Embla, capitaine Toudalh, mit deux embarcations à la mer, et recueillit ainsi vingt des naufragés, à qui il s’empressa de prodiguer tout ce dont ils avaient besoin.

Il y avait à bord du Général-Abbatucci quelques soldats. L’un d’eux, le nommé Paillard, se mit à la roue du gouvernail après la désertion de l’équipage. « Tout à coup, dit un de ces braves militaires, la cloison étanche cède, l’eau gagne l’avant qui s’affaisse, et pénètre peu à peu dans la machine. Le mécanicien laisse échapper la vapeur et se jette à la mer. Une vague balaie tout le pont jusqu’à la dunette et envahit avec fracas l’entrepont et le logement de la chaudière ; le capitaine crie : « Sauve qui peut ! » et s’élance à l’eau muni d’une bouée.

« Quand le capitaine sauta, raconte Paillard, nous nous mîmes tous à genoux ; un jeune prêtre récitait des prières ; les dames disaient : — Nous allons mourir, faisons des actes de Contrition. Les voyageurs des premières avaient déposé sur le pont leur or, leurs bijoux, leurs montres ! — Il ne faut pas, disait-on, paraître devant Dieu avec tout cela. »

On a vu comment un petit nombre de survivants furent sauvés. Quarante-neuf passagers et matelots périrent dans ce sinistré.

Trois ans plus tard, dans une autre collision dont les effets furent désastreux, le capitaine du navire abordeur montra encore plus d’inhumanité : il essaya de se soustraire par la fuite à la responsabilité encourue.

Il s’agit de la collision qui amena la perte du Northfleet, pendant la nuit, près de Douvres, le 22 janvier 1872. Le navire abordeur, — un bateau à vapeur, qui fut connu après enquête pour être le Murillo, navire de nationalité espagnole, ne se détourna point de sa route après le choc, malgré les appels de l’équipage du Northfleet et les cris désespérés des passagers.

Le Northfleet, navire d’émigrants de 940 tonneaux, transportait à Hobart Town (Tasmanie) trois cent cinquante passagers, avec des femmes et des enfants. Il comptait quarante hommes d’équipage. Il avait abord une cargaison de rails pour un chemin de fer à établir dans la colonie anglaise où il se rendait. Au moment du départ, le capitaine Oates avait été retenu par un mandat judiciaire le citant comme témoin dans