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Page:Améro - Les aventuriers de la mer.pdf/102

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LES AVENTURIERS DE LA MER


misaine, priaient instamment le navire qui s’éloignait de s’arrêter. Mais il ne leur fut pas répondu un seul mot, et le vapeur continua sa route, laissant le bâtiment qu’il venait d’enfoncer, à la merci des flots.

« Alors le capitaine, se voyant abandonné, ordonna au maître d’équipage et au pilote de descendre dans la cale pour s’assurer de l’étendue du mal, tandis que lui-même allait au milieu des passagers et tâchait de rétablir un peu d’ordre.

« Un seul coup d’œil jeté sur l’ouverture faite au flanc du navire suffit pour prouver l’inutilité du travail des pompes, l’eau entrait par tonnes. Le maître d’équipage remonta sur le pont et fit son rapport au capitaine, alors à la poupe, où il aidait à tirer des fusées en signe de détresse.

— « Chargez le canon, contre-maître, et faites feu, dit le capitaine, puis lancez les chaloupes, c’est tout ce qui nous reste à faire.

« Si l’on avait pu tirer le canon, le bruit de la décharge aurait attiré l’attention des navires ancrés à proximité, qui confondirent les fusées avec des signaux demandant un pilote. Ces navires n’auraient pu se tromper sur la signification, les vaisseaux marchands ne tirant jamais le canon pour attirer le pilote. Mais le refouloir se brisa, et il fut impossible de charger. Il ne restait plus d’autres ressources que les chaloupes.

« Déjà cette idée s’était emparée des passagers, qui, dans une lutte désespérée, se précipitaient vers ces embarcations, pendant, que le capitaine suppliait et menaçait tour à tour pour obtenir qu’on ouvrît passage aux femmes et aux enfants. Si les malheureux passagers avaient conservé leur calme, il était possible de les sauver tous. Nous avions assez de canots pour les transporter sur le remorqueur qui était près de nous. Mais il était inutile de chercher à leur faire entendre raison. L’épouvante les avait rendus fous. Lorsqu’on mit la chaloupe à la mer, ils s’y jetèrent en foule aussitôt qu’elle eut touché l’eau ; le capitaine m’avait confié sa femme, j’attendais ses ordres, avirons en main ; il s’approcha du bord et je lui dis que nous coulions.

— « Partez, répondit-il, et que Dieu vous protège !

« Je ne le revis plus ; cependant, au moment où nous touchions le remorqueur, je tournai la tête et je l’aperçus à la poupe, à son poste, avec le docteur.

« Tout le navire était éclairé des feux qu’on avait allumés et l’on voyait les gens sur le pont comme s’il avait fait grand jour. Leurs cris